Le dernier rapport de Crisis Group fait le point de la situation actuelle que vit la Tunisie depuis les attaques terroristes, en particulier, la violence jihadiste.
Après le 14 janvier, la violence jihadiste a pris différentes formes. Entre 2011 et 2012, on parle de la mouvance salafiste-jihadiste qui essaie de prendre racine sur le plan politique avec la présence d’Ansar Charia qui, durant cette période, a appelé à la violence et à l’incitation à la haine contre les athées, que ce soit dans les lieux publics, dans les mosquées, dans les prisons, entre autres. Mais encore, cette période a été aussi marquée par moult actes de violence: une police des mœurs dans certains quartiers défavorisés s’est constituée, les membres d’Ansar Charia qui ont profané et incendié des zaouïa (tombeaux, mausolées ou édifices religieux musulmans), l’attaque de l’ambassade américaine en septembre 2012, organisée aussi par Ansar Charia. Plus grave encore, le discours d’Abou Iyadh (leur chef) s’est radicalisé, devenant menaçant vis-à-vis de l’Etat, suggérant que la Tunisie pourrait devenir une “terre de jihad”.
Au même titre, le courant salafiste-jihadiste est entré dans une nouvelle phase, qui consiste à affaiblir les institutions pour mieux s’organiser, tout en infléchissant le processus démocratique, et à épuiser les forces de l’ordre, indique le rapport de Crisis Group. Mais ce n’est qu’en août 2013 que le ministère de l’Intérieur a classé Ansar Charia comme organisation terroriste.
En février et juillet 2013, deux figures politiques de gauche ont été assassinées. L’Etat islamique (EI), plus connu sous le nom de Daech, a revendiqué les deux assassinats en décembre 2014.
En 2014, après les élections législatives et présidentielles, la Tunisie s’est trouvée dans le collimateur des organisations terroristes.
En mars et juin 2015, plus de 60 touristes ont péri sous les balles de terroristes ayant fait allégeance à Daech . Mais voilà quelques mois plus tard, l’organisation terroriste a encore frappé, en plein coeur de la capitale, où une dizaine de membres de la garde présidentielle ont péri dans un attentat-suicide.
Récemment encore, en mars 2016, une soixantaine de jihadistes tunisiens ont tenté de s’emparer de la ville de Ben Guerdane. Et c’est grâce aux forces armées tunisiennes ainsi qu’au patriotisme des habitants de la région, que l’ opération a échoué.
Pour faire face aux menaces jihadistes, il devient urgent de définir le cadre d’une stratégie nationale multidimensionnelle de lutte contre la violence jihadiste fondée sur la connaissance des groupes jihadistes, qui devrait comporter un volet préventif substantiel.
Organiser des consultations publiques avec les forces politiques et associatives afin d’évaluer et d’améliorer ses composantes opérationnelles, dynamiser la gouvernance publique pour surmonter les obstacles institutionnels à sa mise en œuvre, telles sont les conclusions annoncées le rapport de Crisis Group.
Selon le rapport, ceci permettrait à la Tunisie de s’attaquer aux causes de la violence jihadiste grâce à des mesures de prévention coordonnées au niveau interministériel, mais aussi à augmenter l’efficacité de l’institution sécuritaire en l’aidant à avoir une longueur d’avance sur les groupes jihadistes, et ce, pour contrecarrer la radicalisation des Tunisiens. Sachant que dans le rapport, le nombre de Tunisiens ayant rejoint Daech, en Irak, en Syrie et en Libye varie entre 3 000 et 6 000. Est-il vrai que près de 600 d’entre eux seraient retournés au pays. Comme le note un ancien directeur général de la sûreté nationale, “étant donné la faiblesse des renseignements extérieurs, la justice ne peut prouver qu’ils ont du sang sur les mains. Ils sont donc seulement assignés à résidence et surveillés étroitement par la police”.
Alors que l’autre partie pourrait commettre des attentats plus violents sur le territoire tunisien. Une explication qu’a présentée un spécialiste français du jihadisme : “Frapper de nouveau la Tunisie permettrait à l’EI en Libye de menacer l’Algérie sur ses frontières de l’Est, tout en servant sa propagande, vu le retentissement médiatique international de chaque attentat sur le sol tunisien”, a-t-il dit.
Cela veut dire également que ces groupes pourraient se connecter à d’autres organisations plus larges, où plusieurs cellules dormantes, dont quelques unes sont en contact avec Al-Qaeda au Maghreb islamique (AQMI) et l’EI.
Au final, mettre en place une stratégie nationale permettrait de renforcer les capacités du pays à lutter contre la violence jihadiste, et ceci dans le but de développer un cadre stratégique contre cette forme de violence politique.
“Il faut qu’il y ait des mesures de répression à mettre en oeuvre, qui sont nécessaires pour apporter une solution durable”, conclut le rapport.