La crise est bonne conseillère. Pour les banques, comme pour l’ensemble des entreprises qui en subissent les effets dévastateurs. Par marée basse, quand le niveau des eaux est en dessous de la ligne de flottaison, les moindres fissures deviennent plus visibles, les rares dysfonctionnements et surcharges, qui ne gênaient pas outre mesure la navigation par marée haute, apparaissent à leur tour pour ce qu’elles sont : menaçantes et déstabilisatrices.
Les crises économiques et financières sont révélatrices de la capacité de rebond et d’anticipation des banques et des entreprises. Aux premiers signaux d’alerte, celles qui le peuvent et savent le faire coupent aussitôt les branches mortes, se délestent des poids encombrants et taillent à la machette dans les coûts d’exploitation. Quitte à se faire mal pour retrouver force, vigueur et agilité.
Après l’euphorie de la croissance, voici venu pour nous le temps des crises, des interrogations, voire des remises en cause et des révisions déchirantes, en engageant les réformes qui s’imposent. L’imbrication banques-entreprises est telle que ce qui affecte les unes ne peut épargner les autres. Vérité d’hier, vérité d’aujourd’hui : ce qui est bon pour les entreprises l’est tout autant pour les banques. L’inverse, hélas, est tout aussi vrai.
Le fait est que les cinq dernières années ne furent pas de tout repos : agitation sociale ininterrompue, explosion des charges, perte de compétitivité et de marchés, absence de visibilité. Le tableau est certes contrasté, certaines entreprises ont souffert moins que d’autres. Mais peu de sociétés, en dehors de la grande distribution et de l’agro business, auront échappé aux affres de la récession économique. Quand les entreprises s’enrhument, les banques attrapent aussitôt la fièvre. Le marasme résonna dans les allées du secteur bancaire, lourdement impacté. On vit partout grimper le montant des impayés, et des effets toxiques.
Toutes les banques ne sont pas logées à la même enseigne…Les banques publiques, pour des raisons qui tenaient à leur statut qui faisait d’elles le réceptacle des tous les projets de financement à haut risque, ont été les plus impactées. L’Etat a fini par tirer les enseignements qui s’imposent, pour ne plus en faire des officines paragouvernementales. Changement de mode de gouvernance, en réhabilitant le pouvoir du DG et du Conseil d’administration full audit, recapitalisation pour leur sortir la tête de l’eau et les mettre en conformité avec les règles prudentielles, plan de restructuration,…
Bref, en faire des institutions qui se réapproprient le véritable pouvoir des banques en milieu hyper concurrentiel. Un réel appel d’air, même s’il ne coupe pas pleinement le cordon ombilical avec la puissance tutélaire. Elles ont, du moins sur le papier, des prérogatives élargies, mais pas au point de décider, fût-ce partiellement, d’éventuels abandons d’intérêts ou de créances, partis depuis longtemps en fumée.
Plus généralement, la loi bancaire, votée dans la précipitation, n’a pas tout à fait affranchi l’ensemble du secteur bancaire. Des espaces de liberté restent à conquérir. D’autant qu’à bien des égards, la réforme bancaire va même à contre-courant des tendances lourdes qui structurent la galaxie bancaire, en favorisant une atomisation du secteur, déjà lourdement fragmenté.
La nouvelle loi limite à 50 millions de dinars le capital d’accès pour constituer une banque, quand il faudrait d’énormes moyens financiers pour se mettre en ligne avec les coûts de plus en plus importants des projets d’investissement des entreprises engagées – compétitivité oblige – dans de véritables courses à la taille pour capitaliser sur les économies d’échelle.
On aurait préféré une loi qui incite à plus de concentration, à tirer vers le haut notre système bancaire. On voudrait, en effet, voir nos banques aux bilans assainis figurer dans le haut du tableau des banques maghrébines, arabes, africaines et pourquoi pas méditerranéennes. On n’en est pas là pour l’heure… Mais on ne désespère pas de voir enclencher le mouvement qui propulsera nos enseignes bancaires nationales hors de nos frontières, au grand bonheur de nos entreprises, en quête d’accompagnement sur les marchés tiers, africains notamment.
Les dirigeants de banques que nous avons sollicités et fait réagir et dont vous lirez les interviews nourrissent cette ambition qui porte en elle la promesse de tout un pays.
Le monde a changé. Les banques doivent anticiper ces mutations plutôt que de les subir. Il faut plus de moyens et d’outils sophistiqués pour financer l’économie réelle. Et se mettre à l’heure de la Nouvelle économie, qui constitue l’essentiel des prochains relais de la croissance.
La banque, dans son mode de gestion et ses relations avec sa clientèle, n’est plus celle d’hier, et la banque de demain sera encore plus différente de celle d’aujourd’hui. La banque numérique, digitale est déjà à l’oeuvre. Beaucoup plus dans le monde qui nous entoure que chez nous. Et l’impératif de rattrapage est sans doute le plus grand défi dans les années, sinon dans les mois à venir, des banques tunisiennes