Passer du rôle de la victime à celui de coupable, voilà ce que la jeune fille agressée, âgée de 13 ans, a enduré dans le calvaire qu’elle a subi. Cela s’est passé au Kef. Le Tribunal de première instance de la région vient d’autoriser le mariage de la jeune fille de 13 ans, enceinte, avec son violeur. Ce qui, selon la loi, va permettre de suspendre les poursuites contre l’agresseur lesquelles seront reprises s’il divorce dans les deux ans du mariage. Dernières nouvelles : Nous venons d’apprendre que le ministère public près le Tribunal de première instance du Kef a suspendu, aujourd’hui 14 décembre, l’exécution du jugement.
Que dit la loi ?
D’après l’article 227 bis du Code pénal : « Est puni de six ans d’emprisonnement, celui qui fait subir, sans violences, l’acte sexuel à un enfant de sexe féminin âgé de moins de quinze ans accomplis. La peine est de cinq ans d’emprisonnement si l’âge de la victime est supérieur à quinze ans et inférieur à vingt ans accomplis. Le mariage du coupable avec la victime dans les deux cas prévus par le présent article arrête les poursuites ou les effets de la condamnation. »
En somme , la législation en vigueur depuis l’indépendance n’a pas évolué d’un iota et continue de faire subir aux victimes agressées le traumatisme de les marier à leurs bourreaux.
Pour Mourad Dellech, avocat à la Cour, il souligne dans un post : »Ce texte aberrant et obsolète qui fait un cadeau au violeur en lui permettant d’épouser sa victime ( une fille de moins de 15 ans ) afin d’échapper à toute poursuite judiciaire est inconstitutionnel et doit être abrogé de toute urgence« .
Tout en précisant : « Il s’agit d’une violation grave du droit international des droits de l’homme en général, et des droits de l’enfant en particulier: les mariages d’enfants de moins de 18 ans ou mariages précoces sont considérés comme des mariages forcés car un enfant ne peut consentir à l’acte sexuel, sans compter que les effets de tels mariages sont graves pour la santé physique et mentale des enfants et leur bien-être en général« .
Sous le coup de l’indignation, la société civile se mobilisera autour d’un rassemblement qui se tient aujourd’hui devant l’ARP pour scander : “Le viol est un crime, non au silence”.
Des associations de jeunes filles agressées dénoncent l’omerta familiale imposée à nombre de victimes sauvagement agressées et qui sont contraintes de garder le silence.
Au regard de la nouvelle Constitution qui fait la fierté de la Tunisie de la IIe République, de tels articles du Code pénal – tels les art. 227 et 227 bis – ne sauraient être maintenus. Il va falloir que les députés s’y penchent sérieusement et décrètent purement et simplement leur abrogation.