Tel est le thème débattu par Mounir Ferchichi, président de la Commission de confiscation, Adel Grar, DG d’Al Karama Holding, Habib Karaouli, PDG de CAP Bank, et Anis Wahabi, Expert-comptable et ancien administrateur judiciaire de Stafim, et ce, lors de la 7ème Matinale de d’Alumni IHEC de Carthage, organisée aujourd’hui en collaboration avec la Fondation Friedrich Naumann pour la liberté.
A cette occasion, Mounir Ferchichi a rappelé que le processus de confiscation a démarré, depuis février 2011, suite au décret N°13 relatif à la création de la Commission de confiscation ainsi que de deux autres décrets relatifs à la création de la Commission de gestion et la Commission de restitution de l’argent spolié.
Mais le processus s’est compliqué de plus en plus vu qu’il n’y a aucune concordance entre les trois commissions, ce qui en a entrainé plusieurs problèmes au plan de la restitution de l’argent spolié et en particulier de l’argent placé à l’étranger.
Ainsi, le responsable a fait savoir que la Commission de gestion a rencontré plusieurs difficultés, notamment législatives, surtout dans le processus de confiscation des entreprises de façade, c’est-à-dire des biens qui n’existent plus (une société qui s’affiche à ce jour dans le registre de commerce mais qui n’existe plus sur le marché, des opérations commerciales douteuses…).
Pour sa part, Adel Grar a affirmé qu’Al Karama Holding a pris en charge la cession des actifs de 22 groupes de sociétés, représentant en totalité une soixantaine de sociétés confisquées. «Depuis ma prise de fonction à la tête d’Al Karama Holding, j’ai constaté qu’on a une vision beaucoup plus active que passive, visant à mettre sur le marché les actifs de ces sociétés sans toucher à l’intégralité de l’activité, parce que la pérennité de ces sociétés est très importante pour nous. Pour ce faire, le poids de l’actionnaire doit être le plus faible possible au sein desdites sociétés», a estimé M. Grar.
Et d’ajouter que toutes les sociétés confisquées sont bien conçues dès le départ, mais malheureusement, elles sont victimes de leur partenariat. Elles ont été créées sur la base du marché, celle de l’endettement maximum possible. Et même dans le contexte actuel, ces sociétés ont une valeur intrinsèque importante et se défendent bien.
Ces dernières ont besoin aujourd’hui d’injecter des fonds pour se développer et non plus pour payer leurs dettes. Elles deviennent des sociétés malades de leurs actionnaires, vu l’impact de l’actionnariat sur la gestion.
Pour cette raison, il faut accélérer la cession des actions dans un contexte économique certes difficile. Sachant qu’au cours de cette année, d’importantes cessions seront effectuées et au moins une société s’introduira au Marché alternatif, conclut Adel Grar; en notant que la contribution annuelle des opérations de cession dans le déficit budgétaire annuelle ne sera pas significative.
Pour sa part Habib Karaouli a affirmé que la confiscation en Tunisie est une occasion qui est ratée à tous les niveaux. D’ailleurs, on n’a même pas pris la peine de tirer profit des expériences étrangères au plan de législation. Et l’on a continué à rester dans un processus contreproductif.
Le problème est, selon ses dires, lié aux commissions créées et fortement déterminées par une volonté politique. L’efficacité de la confiscation a été démontrée entre 2012 et 2013, date des opérations de cessions de cinq entreprises confisquées. Mais depuis cette date, aucune opération d’envergure n’a été menée, et ce, suite à des considérations politiques et non pas techniques.
Pour accélérer le processus, M. Karaouli a estimé que les solutions existent si on a en perspective la pérennité des entreprises et des biens de la communauté nationale. Il a, dans ce sens, recommandé de :
- Opter pour une approche stratégique à partir de laquelle l’Etat doit assumer sa responsabilité pour renflouer les caisses;
- Garder la commission de confiscation et élargir ses compétences aux crimes organisés (contrebande…), tel était le cas en Italie;
- Supprimer la commission de gestion;
- Faire évoluer El Karama Holding vers une Agence nationale de participation de l’Etat, avec un mode de gouvernance qui répond aux besoins des entreprises.
Au total, 486 entreprises ont été confisquées. Elles sont sous la tutelle d’Al Karama Holding qui s’occupe des opérations de cession.
Dans 50% des entreprises confisquées, l’Etat possède moins de 50% du capital de l’entreprise et plus de 50% dans l’autre moitié.
5 opérations de cession ont concerné la Banque de Tunisie, Tunisiana, City Cars Kia, Ennakl Automobiles et Stafim Peugeot, cédées entre 2012 et 2013. Ces opérations ont engendré 1300 millions de dinars de recettes brutes, dont 700 millions de dinars encaissés par l’Etat après remboursement des dettes.