Mardi 4 avril des armes chimiques ont fait des dizaines de morts et des centaines de blessés dans le nord ouest de la Syrie, à Idlib plus précisément. Dès que l’information a circulé, Washington, Londres et Paris ont immédiatement accusé le régime du président Assad, sans la moindre preuve et avant toute enquête.
Quand il était aux abois et au bord de l’effondrement, le régime syrien n’a pas utilisé ces armes terrifiantes et dont l’utilisation constitue un crime contre l’humanité. Pourquoi les utiliserait-il aujourd’hui alors que sa victoire contre les mercenaires de la terreur est presque certaine et n’est plus qu’une question de temps? Sans parler du fait qu’en 2013, suite à un accord entre Poutine et Obama, le régime syrien a livré tout son arsenal d’armes chimiques aux inspecteurs de l’ONU qui s’étaient chargés de le détruire.
Mais supposons que Bachar al Assad n’était pas suffisamment honnête et n’avait pas livré alors la totalité des armes chimiques dont il disposait, quel intérêt a-t-il à dresser le monde entier contre lui à la vue de civils suffoquant sous l’effet de gaz sarin ou moutarde ou autre et dont l’utilisation constitue à juste titre un crime contre l’humanité? A moins qu’il ne soit dirigé par des fous, le régime syrien ne commettrait jamais une telle bourde.
Les Etats-Unis, la France et la Grande Bretagne ont déposé hier une requête au Conseil de sécurité de l’ONU pour qu’il ordonne une enquête sur le désastre qui vient de frapper Idlib. C’est logique et c’est le rôle des enquêteurs de l’ONU de nous éclairer.
Il faut préciser ici qu’il y a deux sortes d’enquête : orientée et objective. Dans l’enquête orientée, le coupable est choisi d’avance, et la formalité consiste à fabriquer des «preuves» et à collecter des faux témoignages pour le condamner. Si, à Dieu ne plaise, les enquêteurs de l’ONU optent pour ce genre d’enquête, leur tâche sera difficile. Ils n’auront qu’à prendre les témoignages des opposants syriens qui logent dans les hôtels de luxe à Istanbul et Ryadh. Ils n’auront aucun mal à confirmer ces témoignages par l’autoproclamé «Observatoire syrien des droits de l’homme» basé en Grande-Bretagne et qui, depuis six ans, ne cesse d’imputer tous les crimes de la planète à Bachar al Assad. D’ailleurs son président autoproclamé, Rami Abderrahman, a vu de Coventry où il habite les avions de Bachar survoler Idlib et lâcher leur cargaison chimique avant de rentrer tranquillement à leur base à Damas…
Dans l’enquête objective et sérieuse, les enquêteurs doivent commencer par la question centrale : à qui profite le crime? Ensuite, ils ne doivent négliger aucun élément petit ou grand de nature à les guider vers la vérité, y compris et surtout l’accélération des événements depuis l’entrée à la Maison-Blanche de Donald Trump.
Précisément, la clé du mystère de l’attaque chimique à Idlib se trouve dans l’accélération des événements internationaux en relation avec la Syrie. Les ennemis du régime syrien sont nombreux et se trouvent dans tous les coins du monde, à Ankara, Ryadh et Doha bien sûr, mais aussi à Washington, à Londres, à Paris etc. Ces ennemis ressentent avec beaucoup d’amertume et de frustration les victoires successives de l’armée syrienne et de ses alliés russe et iranien sur l’hydre terroriste. Leur amertume et leur frustration a dû atteindre des niveaux intolérables la semaine dernière quand le secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson a déclaré que «dans le long terme, le statut du président Bachar al Assad devrait être déterminé par le peuple syrien».
C’est la première fois depuis le début du conflit qu’une phrase prononcée par un haut responsable américain sème le désarroi parmi les nombreux ennemis de Bachar al Assad.
Un élément clé du puzzle que les enquêteurs de l’ONU ne peuvent pas et ne doivent pas négliger est cette concomitance entre la fameuse phrase de Rex Tillerson et l’attaque à l’arme chimique. En désespoir de cause l’un ou l’autre des nombreux ennemis du régime syrien pourrait avoir organisé cette attaque pour l’imputer à Bachar al Assad et mettre en difficulté ceux qui, à la Maison-Blanche, défendent l’idée que la priorité des priorités n’est plus le départ de Bachar al Assad mais la destruction des réseaux terroristes.
En l’absence de preuves et en attendant les résultats d’une enquête que l’on souhaite objective et sérieuse, on ne peut rien faire sinon des suppositions et des conjectures. Partant de la question centrale : «A qui profite le crime?», on peut dire que le régime syrien est le dernier au monde à pouvoir bénéficier du désastre provoqué à Idlib par l’attaque à l’arme chimique. Sa responsabilité est d’autant moins évidente qu’il n’est pas dans une situation désespérée, contrairement à ses opposants qui perdent chaque jour un peu plus de terrain, de force et d’influence.
La première supposition qui n’est pas à exclure est que l’armée syrienne a mené un raid conventionnel sur Idlib et a bombardé sans le savoir un stock d’armes chimiques détenu par les groupes terroristes. Ceux-ci, de notoriété publique, détiennent des armes chimiques et les ont utilisées plus d’une fois pendant les six ans de guerre.
La deuxième supposition est que le coup est monté par un ou plusieurs ennemis du régime syrien dans le but de le diaboliser aux yeux du monde et de couper l’herbe sous les pieds du président Trump et de ses collaborateurs dont le changement de stratégie vis-à-vis de la Syrie n’est guère apprécié.
Ceux qui désirent ardemment saboter la nouvelle stratégie de la Maison-Blanche qui consiste à détruire le terrorisme et de laisser le sort de Bachar al Assad au peuple syrien sont, comme on l’a dit, très nombreux : l’Etat profond américain, c’est-à-dire la CIA, les faucons du Pentagone, les néoconservateurs etc., l’Arabie saoudite, le Qatar, la Turquie, l’opposition syrienne toutes tendances confondues. Pour tout ce beau monde, organiser une attaque à l’arme chimique et l’attribuer au régime syrien est un jeu d’enfant. C’est ici que les enquêteurs de l’ONU doivent mener leurs investigations s’ils veulent réellement faire éclater la vérité.