En 1934, Ksar-Hellal fut un champ de bataille idéologique entre les composantes du mouvement destourien. C’est, en effet, dans la maison du notable Ahmed Ayed que les jeunes sécessionnistes ont tenu le congrès fondateur du Néo-Destour qui mènera la lutte pour l’indépendance du pays.
Habib Bourguiba était en désaccord avec les vieux dirigeants destouriens, qui lui reprochaient son soutien aux manifestants de Monastir, qui s’étaient opposés à l’enterrement d’un naturalisé dans leur cimetière. De fait, ils étaient contre la mobilisation populaire et l’implication des groupes sociaux, appelés volontiers subalternes, dans le parti de l’élite traditionnelle.
L’opération de « persuasion » d’Habib Bourguiba fut rapidement réussie. Ville de tisserands et d’artisans, Ksar-Hellal avait adopté- position de classe évidente- une attitude critique vis-à-vis du Destour, qui s’est désolidarisé du combat syndical de Mhamed Ali al-Hammi. Leur cellule s’était même mobilisée pour la vente du livre de Tahar Haddad, qui célébrait le combat de son ami. Ksar-Hellal dénonça l’establishment du vieux Destour et s’engagea dans le combat de mobilisation, de conscientisation et de lutte populaire. A la suite du succès du mouvement de libération, la ville resta fidèle à Habib Bourguiba. Elle s’opposa au déboulonnage de sa statue, décidée par les acteurs du coup d’Etat de 1987. Alors que la statue équestre de Tunis du leader fut transférée à la Goulette, les statues à l’effigie de Bourguiba restèrent à leur place à Ksar-Helal et à Monastir; deux exceptions éloquentes. En 2011-2012, la population de Ksar-Helal s’opposa au déboulonnage de sa statue.
Deuxième défi relevé par les citoyens de Ksar-Helal, avec la contribution de sa population féminine, engagée dans la défense des acquis bourguibiens,- 80 % de ses des ouvriers du textile sont des femmes- la confection d’un drapeau national géant. Des citoyens de Ksar- Helal ont voulu, en effet, prouvé les compétences des usines de textile locales, en confectionnant un drapeau de 300m² (14 x 21 mètres). L’usine qui a fabriqué le drapeau tunisien assure avoir utilisé un tissu d’une excellente qualité et obéissant à des normes internationales pour un coût total de 3000 D.
Prenons la juste mesure de cette mobilisation populaire, de l’autofinancement, d’une ville qui subit l’épreuve de la concurrence des textiles importés et des produits bas de gamme. Répondons à leur initiative généreuse et audacieuse par une protection de leur marché et la sauvegarde de leur bien-être.