Le monde littéraire est en deuil. Taoufik Baccar tire sa révérence et du coup un éclair traverse notre ciel pour nous rappeler que tout est éphémère et de l’étrange effet que certains qui ont accompagné notre vie laissent en nous. De leur vivant mais surtout après leur départ. Incontestablement, Taoufik Baccar est de ceux-là. Il est mort ce matin et tout prend goût de départ. Etrangement fort ce sentiment
Ecrivain, critique littéraire et professeur d’université, Taoufik Baccar a été rappelé à Dieu. Il avait, au mois de décembre dernier, franchi le seuil de 91 ans. La nouvelle est tombée tel un couperet, réveillant en nous, en l’espace de quelques moments, une profonde méditation, un sentiment de tristesse diffus d’une singulière expression.
« Si Taoufik », « le prof » comme certains de ses disciples – et ils sont légion – aimaient l’appeler, ses admirateurs et tous ses collègues se sont découverts trahis, contraints à ramer à contre-courant pour reconstituer quelques -unes de ces scènes où il était là, où il était à la portée de l’admiration, de la contradiction même…
Son départ laisse un vide immense. Mais il y a, en guise de consolation, ses travaux et les traces indélébiles d’un parcours de vie dédié totalement aux lettres, aux œuvres littéraires et à la recherche. Plus de soixante ans d’efforts et de don de soi pour que sourient nos bibliothèques et nos amphis. Plus de soixante ans de travaux universitaires de grande facture. Taoufik Baccar a été fidèle à sa mission d’homme. Ses travaux en témoignent.
Retracer son grand parcours est chose bien difficile pour le moment du moins. Peut-être quelques-unes de ses traces qui nous interpellent le plus dans ce cafouillis de tristesse et de nostalgie déjà. Son immense apport à la critique littéraire, sa direction avec brio de la collection « Ouyoun Al Moasara » chez Sud Éditions, sa magistrale contribution pour rendre accessible l’œuvre du grand Mahmoud Messaadi dont il a traduit « La genèse de l’oubli » . Critique et auteur de talent, il a enrichi la bibliothèque tunisienne d’ouvrages qui ont ouvert la voie à des générations entières d’étudiants pour maîtriser les outils nécessaires à la progression dans le monde livresque et littéraire.
Et il est parti ce lundi. Telle est la volonté divine. Tout de même des signes d’un départ pas comme les autres. Un en particulier. Il y a quelques jours, nous avons quitté le monde mitigé de la foire du livre. Ce monde que connaît bien Taoufik Baccar. C’est comme qui dirait qu’il l’avait accompagné pour le rejoindre quelques jours après.
Aujourd’hui dans cette avancée morose des choses et des jours, la Tunisie regrette un de ses passants les plus illustres. Taoufik Baccar est parti. Il faut s’y habituer. Allah yarhmou.