Devenue désormais l’affaire du week-end, la rencontre entre des dirigeants de Nidaa Tounes et une délégation militaire libyenne suscite moult interrogations.
Ayant eu lieu au mois d’avril 2017, ce n’est que ce samedi que les médias ont eu vent de l’affaire. Des dirigeants de Nidaa Tounes, avec à leur tête le directeur exécutif du parti, Hafedh Caïd Essebsi, se sont entretenus au siège même du parti avec une délégation militaire libyenne, comprenant entre autres responsables le colonel Ahmed Mismari, porte-parole de l’armée du gouvernement du Wifak (consensus) installé à Tobrouk et sous les commandes du général Khalifa Haftar.
Interrogé sur la question, Borhane Bsaïes, chargé des affaires politiques au sein de l’équipe dirigeante de Nidaa, a confirmé l’info. Voulant donner à la réunion un caractère politique, il a indiqué que le groupe libyen était dirigé par le consul libyen à Sfax et avait parmi ses membres le colonel Mismari. M. Bsaïes n’a pas manqué d’ajouter que la réunion n’a été précédée d’aucune préparation, d’usage dans ce genre de rencontre, et que la délégation militaire libyenne s’est rendue de manière inopinée au siège de Nidaa.
Nonobstant ces «éclaircissements» apportés par Borhane Bsaïes, certaines interrogations demeurent. En effet, s’il est indéniable qu’il est du propre d’un parti d’établir des relations extérieures avec d’autres partis ou organisations étrangères, il y va de la souveraineté de l’Etat que ces relations soient limitées au domaine politique puisque seule une institution officielle de l’Etat est en droit d’établir des relations et d’engager des pourparlers avec les militaires d’un autre Etat et, qui plus est, empêtré dans un conflit armé interne qui ne semble pas près d’être résolu. Ce sont les us et coutumes diplomatiques qui le confirment.
D’autre part, les questions qui intriguent le plus les observateurs sont celles de savoir les raisons d’une telle visite «inopinée» de la part de cette délégation libyenne mystérieuse. Pourquoi a-t-elle été dirigée par le consul libyen à Sfax et non celui installé à Tunis, sinon l’ambassadrice libyenne elle-même? Sur quoi a porté la discussion? Quels ont été les aboutissements de la rencontre?
En l’absence de réponses claires de la part des dirigeants de Nidaa Tounes, la porte est ouverte aux interprétations les plus «fantaisistes». Certains ont considéré même que la visite est en relation avec les activités débordantes de l’homme d’affaires proche des dirigeants de Nidaa Tounes, le controversé Chafik Jarraya, actuellement assigné à résidence et faisant l’objet d’une instruction du Tribunal militaire pour une affaire attenant à la sécurité de l’Etat.
Réputé être l’ami d’Abdelhakim Belhadj, chef des milices de l’armée de Fajr Libya et accusé d’intervenir dans le conflit inter-libyen, Chafik Jarraya était, de l’avis de certains observateurs, l’objet principal de l’entretien qui a eu lieu au mois d’avril.
Cependant, et quelle que soit l’explication que l’on puisse apporter à cette rencontre mystérieuse, il y va indéniablement de la sécurité de l’Etat. Il importe donc de tirer au clair les circonstances et l’objet d’un entretien que les parties qui y ont pris part ont voulu garder secret.
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