Rares sont les événements qui ont retenu cette année l’attention de tous. Le mois du jeûne a reproduit cette impression générale de « vague à l’âme », de spleen et de pesanteur. Les dossiers ouverts dans le cadre de la lutte contre la corruption ont, quant à eux, raflé la vedette et pris le dessus sur les préoccupations générées d’habitude par le mois de Ramadan. Survol d’ une période qui s’achève…
Que retenir du mois de Ramadan cette année ? En nombre de faits marquants, peut-être beaucoup de choses mais en qualité et en singularité, maigre moisson, il faut bien l’avouer. Maintenant que le mois saint tire à sa fin et qu’un jour ou deux nous séparent de l’Aïd, il est, somme toute, de bonne guerre de procéder à un survol des événements, faits ou moments qui ont retenu l’attention et , en quelque sorte, marqué toute la période ramadanesque.
Le menu est vaste et les éléments le composant assez hétéroclites. Mieux vaut s’en tenir, pour l’analyse de ces éléments, à une méthode empirique qui outrepasse les détails pour s’arrêter aux faits les plus marquants qui se sont imposés et ont figuré- et le sont encore- en bonne place dans les préoccupations et l’attention des gens.
D’abord une impression générale. Malgré tout ce qui peut être dit ou souligné comme critiques, il est de bon ton de considérer que Ramadan a été caractérisé cette année par une singulière accalmie et une manifeste régularité en ce qui concerne l’offre et la demande sur le plan des prix et du mouvement commercial en général. L’activité commerciale a réussi, grâce à la vigilance des services concernés et les fondements autorégulateurs du marché, à maintenir le cap et à se prémunir contre les tendances hégémoniques et la spéculation. Des cas de violation ont été évidemment enregistrés en de multiples occasions mais sans que cela ait grande incidence sur la régularité du marché qui est demeuré, le mois durant, égal à lui-même.
Sur le plan culturel, celui de l’animation de la ville et des menus télévisés, présentés par toutes les chaînes confondues, la moisson cette année n’a pas été, il faut bien l’avouer, au meilleur de son cru : des productions pour la plupart stéréotypées et bien peu convaincantes. Même les satires et les sitcoms qui étaient par le passé le point fort du genre ont affiché cette fois-ci profil bas. Pour ce qui est des activités programmées en ville, elles sont presque passées inaperçues et, curieusement, le Festival de la Médina dans sa version actuelle s’essouffle et n’arrive plus à garder le haut du pavé, s’éloignant de la sorte des feux de la rampe qui ont tellement contribué à sa gloire les années précédentes.
Dans les quelques grandes places qui ont tenu à battre la mesure de la fête ramadanesque, à l’instar de Bab Souika, les nuits ont été souriantes. Une ambiance bon enfant sans plus, sans le cachet du pittoresque qui suffisait, à lui seul, à donner du punch aux soirées d’antan. Des terrasses de cafés bondées, des jeux empruntés aux fêtes foraines d’antan, des vendeurs de sucreries, jouets et divers et même des « revenants » des années cinquante, des cafés-chantants…
Sans surprise, les discussions ont été alimentées par le dossier de la lutte anticorruption. L’opération coup de poing engagée par le Chef du gouvernement avec l’arrestation des barons les plus en vue de la contrebande a retenu l’attention de tous et suscité quelques appréhensions pour la suite. Un feuilleton, le seul d’ailleurs cette année qui , enchaînant épisode sur épisode, n’a pas fini de surprendre et de tenir en haleine tout le monde quant à ses rebondissements et ses « surprises ». Décidément, les nouvelles judiciaires ayant exclusivement trait au monde fourbe de la corruption sont la grande particularité qui a caractérisé le quotidien du mois de Ramadan cette année.
Last but not least, l’arrestation , toujours dans la même lignée des affaires liées à la corruption, de Samir el Wafi a été le fait qui a pris le relais de celle de Chafik Jarraya et les autres. Depuis une semaine, on ne parle que de cela avec une « générosité » accentuée dans les interprétations et les commentaires. Les « langues » se délient aussi et on fait état, partout et via facebook, de nombreuses affaires de gros sous.
En parallèle, les charges retenues contre les deux hommes d’affaires, Fethi Jenayah et Néjib Ben Ismail, récemment écroués, seraient faux et usage de faux, l’importation de produits interdits, des manœuvres dolosives, la violation de la réglementation des changes et le blanchiment d’argent. L’enquête n’est à ce stade qu’à ses débuts, comme l’a annoncé le porte-parole du Tribunal de première instance de Tunis, ce qui donne à penser que les rebondissements ne vont pas manquer au fur et à mesure que les investigations progressent. En attendant, des sources autorisées ont annoncé mercredi que l’homme d’affaires Khaled Kobbi a été arrêté pour des présomptions de corruption et des pratiques répréhensibles que l’enquête s’engage à creuser.
Ramadan s’en va sans tristesse toutefois. Pour nous tous, son atmosphère si particulière restera pour longtemps immuable et son évocation toujours liée à la nostalgie et à l’enfance.