Le 30ème rapport annuel de la Cour des Comptes est l’expression des comportements de nos élites en matière de gouvernance. Ceux qui tiennent des discours révolutionnaires et qui se sont gargarisés de slogans et de valeurs peuvent causer toujours : le clientélisme, l’avidité, le laisser-aller, le non-respect des procédures et de la loi sont toujours là. Ils collent à la peau de chacun d’entre nous.
On pourra espérer attendre 2021 pour faire un bilan exhaustif de la révolution tunisienne. Ne faut-il pas, comme le disait naguère le président François Mitterrand, laisser du temps au temps ? Les fondamentaux ne peuvent bien être vérifiés que sur une longue période.
Cela dit, les résultats annoncés par le 30ème rapport annuel de la Cour des Comptes, le 29 juin 2017, ne peut que nous pousser à réfléchir sur l’évolution connue par le pays en matière de gouvernance. A ce propos, nombre d’observateurs, dont nous-mêmes journalistes, auront remarqué que les choses n’ont pas évolué dans le bon sens.
Inutile de préciser que celui qui gère se trompe. Et à ce niveau de la réflexion, tout le monde sait que la Cour des Comptes, dont le travail consiste à mettre le doigt sur ce qui ne va pas, trouve toujours, à commencer dans les pays les plus développés, quelque chose à redire.
Mais disons-le clairement, nos élites n’ont pas changé. On observe les mêmes faiblesses, pour ne pas dire les mêmes manquements et les dépassements que par le passé. Ceux dont on se plaignait déjà sous l’ancien régime.
Nous allons d’échec en échec
Ceux qui tiennent des discours révolutionnaires et qui se sont gargarisés de grands mots et de slogans ont beau dire : le clientélisme, l’avidité, le laisser-aller, le non respect des procédures et de la loi sont toujours là. Ils collent à la peau de chacun d’entre nous.
Mais pourquoi les choses ne changent –elles pas dans le sens voulu ? Celui qui intègre n’importe quel cercle de discours ne peut que se réjouir de ce qu’il entend : la défense de grandes valeurs. Des valeurs qui ne se vérifient pas malheureusement dans nos actes.
Pour répondre à cette question, il faut évidemment bien plus que l’espace de cet article. Mais osons dire que deux facteurs au moins peuvent être mis en évidence pour expliquer que nous pouvons aller d’échec en échec et d’insatisfaction en insatisfaction.
Y a-t-il eu mutation de la société tunisienne ?
Le premier consiste à dire que ce qui s’est passé le 14 janvier 2011 n’est pas le fruit d’une mutation de la société tunisienne. En clair, il n’y a pas eu de facteurs internes à la société tunisienne qui ont conduit aux événements que l’on connaît tous : la libération d’un peuple d’un régime largement autoritaire. Il n’y a pas en la matière, et pour ainsi dire, de génération spontanée.
Une riche littérature faite de discours, de rapports sur des plans A et B, de témoignages, d’analyses nous prouvent jour après jour que tout –ou presque- a été orchestré de bout en bout pour faire tomber un certain nombre de régimes arabes fin 2010 et début 2011.
Il va sans dire que quelque part nous avons une part de responsabilité dans ce qui nous est arrivé car personne ne s’introduit chez vous plus facilement que lorsque vous lui ouvrez la porte! Cela dit, la situation sous la dictature n’était plus tenable.
Le second facteur ? La personnalité de base du Tunisien qui y est pour quelque chose. On pourra disserter dans tous les sens sur les valeurs d’une révolution qui a scandé des slogans sur « l’emploi », « la dignité » ou encore « la liberté ». Le vécu est tout autre : les slogans et autre leitmotivs s’appliquent dans un contexte. Et ce dernier change en fonction de la société, de l’histoire, de la géographie, des croyances, des habitudes,…
En cause, la personnalité de base du Tunisien
Ne dissertons pas trop longtemps et observons comment nous agissons au jour le jour. A commencer par nos élites. Qui sont censées nous conduire vers un avenir meilleur.
Dans un livre-référence, le sociologue tunisien Moncef Ouanès tente de tracer les contours de « La personnalité tunisienne (Tunis : Mediterranean Publisher, 2011, 323 pages). Lorsqu’on termine sa lecture, nous arrivons facilement à comprendre pourquoi nous souffrons encore aujourd’hui d’un certain « mal-être ».
Clientélisme, tribalisme, gain facile, paresse, perte du sens des valeurs, violence, corruption, individualisme,… la lecture de l’ouvrage est des plus utiles pour saisir le sens profond d’une personnalité de base qui s’est façonnée sur des siècles. Et qui a longtemps tiré profit d’un manque de rigueur flagrant dans la gouvernance.