En marge de la 5ème édition du Tunis Forum sur le partenariat tuniso-chinois, organisée hier par l’IACE, Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre– France est revenu sur les principaux atouts des deux pays et les perspectives de coopération gagnant-gagnant.
A cet égard, il a affirmé que les Tunisiens et les Chinois sont faits pour être amis parce qu’ils sont deux peuples complexes, aux racines profondes et de grande ouverture. Ils ont des proximités intéressantes. Reste, aujourd’hui, à surmonter ensemble les complexités, notamment bureaucratiques.
M. Raffarin a fait savoir que la Chine, avec son Yin et son Yang, est un immense pays extrêmement paradoxal. Il faut s’habituer à sa complexité, mais les Tunisiens, avec leur histoire et leur culture, ne sont pas indifférents à aucune complexité et aux différents métissages.
Quelles que soient les analyses politiques qu’on puisse faire, la Chine devient un acteur majeur de l’équilibre mondial, puisqu’elle est aujourd’hui le banquier du monde et notamment le banquier de la première puissance mondiale que sont les Etats-Unis. D’où, l’économie du moins riche finance le déficit du plus riche.
Dans cette complexité là, il faut, selon ses dires, bien mesurer le rôle important que joue la Chine sur le plan financier, avec des réserves de 4000 millions de dollars et un taux de croissance de 6,7%. Elle a réussi à devenir un leader dans un grand nombre de produits, à savoir les produits agricoles, manufacturiers, pharmaceutiques…
Il s’agit d’une logique de puissance, mais on considère que ce n’est qu’une logique de production, car depuis déjà longtemps la Chine a fait le virage de l’atelier vers le laboratoire, c’est-à-dire le choix de la stratégie, de l’intelligence ajoutée et de l’innovation.
La Chine est un grand pays de l’innovation qui s’engage à fond dans cette logique là et essaye d’attirer, dans le monde entier, les intelligences des jeunes notamment dans les start-ups.
Ce pays fait qu’aujourd’hui on doit chercher à mieux le connaître, le comprendre et profiter de ses stratégies, notamment la stratégie d’internationalisation qui est engagée avec le concept de réformes et d’ouverture et un choix de multilatéralisme.
A un moment où un certain nombre de puissances sont d’avis que l’équilibre du monde passe par les relations bilatérales, M. Raffarin a précisé que la Chine a choisi une carte multilatérale, c’est pourquoi la coopération internationale est aujourd’hui au cœur de ses préoccupations.
Via cette logique, la Chine a des intérêts parce qu’elle veut l’internationalisation de sa monnaie et le développement de sa surcapacité de production en adoptant une stratégie longtermiste.
Dans le cadre de cette stratégie, où l’Europe n’est pas suffisamment engagée, la Chine est en train de faire quelque chose qui ressemble au plan Marshall pour l’Asie avec un grand plan d’investissement sur dix ans avec la volonté de co-investir, en créant non seulement les outils mais en soutenant des projets.
Sachant qu’aujourd’hui, il y a plus d’une cinquantaine de projets en Europe de l’Est qui sont inscrits à des plans de financement et des fonds très importants de 50 millions de dollars lancés avec la Banque Asiatique d’Investissement pour les infrastructures…
De ce fait, la Chine s’affirme comme une puissance de l’Asie mais en même temps ouvre ses partenariats à l’Europe. Et elle fait de l’Afrique la perspective de la « Route de la soie ».
C’est dans ce sens que la Tunisie peut s’imposer avec son aile euro-asiatique et son aile euro-africaine, parce qu’elle est aujourd’hui dans une logique de médiation par son contact biculturel et multiculturel et par sa capacité d’être à la fois amie de l’Europe, de l’Afrique et du monde arabe.
La stratégie adoptée par la Chine est, aujourd’hui, une logique de plateforme pour avoir un accès à l’Afrique, au monde arabe et à l’Europe. La Tunisie a, pour sa part, fondamentalement besoin de se défendre en tant que pays pacifique ayant une culture de paix semblable à celle que les Chinois essayent de la développer. Elle est considérée comme un partenaire important pour la Chine parce qu’elle est une avancée non conflictuelle.
Sur cette logique, la stratégie des Chinois pour la Tunisie est une stratégie de l’amont et d’un métissage culturel. La coopération tuniso-chinoise peut résoudre beaucoup de problèmes par une sorte d’accommodement et d’accessibilité d’investissements modernes.
D’ailleurs, selon Jean-Pierre Raffarin, il est important de considérer que les pays comme la Tunisie ou la Chine qui ont fait le choix de l’éducation des hommes et des femmes, peuvent associer leurs matières grises qui sont compatibles, et ce, dans des clusters et des initiatives d’innovation, de recherche et de développement.
Au final, l’ancien Premier ministre français n’a pas manqué de déclarer que la Tunisie peut trouver un facteur d’accélération à travers des coopérations de choix en matière d’investissement, d’innovation et en matière diplomatique également, telles que celle avec la Chine.