Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) prévoit un flux de grandes proportions de migrants et de demandeurs d’asile en Tunisie pour les années à venir. Afin de ne pas être surpris par ces flux, comme c’était le cas en 2011, il vaut mieux préparer demain à partir d’aujourd’hui.
C’est dans ce cadre qu’un collectif de deux ONG, le Conseil tunisien pour les réfugiés (CTR) et celui italien (CIR), a été constitué en vue d’effectuer un travail de sensibilisation sur le bien-fondé de la diffusion de la culture relative aux questions de la migration mixte – à savoir, l’asile politique et la migration économique – destinée aux autorités officielles et à la société civile tunisiennes.
Il est à noter dans ce cadre que la Tunisie, signataire depuis 1956 de la convention des Nations unies sur les réfugiés , n’a pas ratifié à ce jour cette convention, et ce, en dépit des dispositions de la Constitution tunisienne de 2014 qui stipule que « Le droit d’asile politique est garanti conformément aux dispositions de la loi » et qu’il est « interdit d’extrader les personnes qui bénéficient de l’asile politique » (art 26 de la Constitution).
Avec la crise libyenne, l’UNHCR a ressenti le besoin de convaincre les autorités tunisiennes de la nécessité de mettre un terme à leurs réticences à propos de la promulgation de cette loi qui permettra à la Tunisie de traiter souverainement de la question des réfugiés, et ce, en établissant les procédures nationales pour l’attribution du statut de réfugié à ses demandeurs.
Il s’agit, selon l’UNHCR, d’encourager, voire d’inciter, les autorités tunisiennes pour la promulgation d’une loi nationale sur l’immigration et l’asile politique lui permettant de prendre en charge elle-même la détermination du statut de réfugié.
Certes, la question figure sur l’agenda du gouvernement tunisien actuel et un projet de loi sur l’immigration et l’asile politique a bien été élaboré par les services compétents du ministère de la Justice. Cependant, ce projet est encore en suspens, puisqu’il n’a pas encore été transmis à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour examen et approbation.
C’est la raison pour laquelle le CTR et le CIR ont pris le relais de l’UNHCR afin de promouvoir un tel projet auprès de la société civile tunisienne mais aussi auprès des autorités officielles. Un programme d’action réparti sur deux axes a été établi à cette fin.
Le premier axe est celui de l’organisation d’ateliers de formation en matière de droit international, relatifs à la protection des réfugiés, destinés aux composantes de la société civiles et aux représentants des différents départements gouvernementaux en relation avec la question de l’immigration mixte. Le second est celui de l’organisation de visites d’études et de missions de prospection qui pourront permettre aux officiels tunisiens et aux différentes composantes de la société civile de s’enquérir de l’expérience d’autres pays du voisinage de la Tunisie qui font face au même défi et d’élaborer éventuellement une approche comparative de la question.
Interrogé par leconomistemaghrébin.com, Gino Barcella, représentant du CIR Libye dans la région nord-africaine et Mustapha Djemali, président du Conseil tunisien des réfugiés, ont indiqué qu’un programme a été élaboré en partenariat avec l’UNHCR en vue d’atteindre ces objectifs. Une partie de ce programme a déjà été exécuté. Il s’agit de deux workshops organisés au mois de mai dernier à Sfax.
Le premier était destiné aux composantes de la société civile et le second au personnel administratif et sécuritaire affecté dans la région du sud tunisien. Deux autres workshops sont au programme pour le mois de septembre prochain qui seront tenus à Médenine.
En outre, deux visites d’études auxquelles ont participé des représentants des ministères de l’Intérieur, de la Défense nationale, des Affaires étrangères et des Affaires sociales ont été organisées. La première, qui avait comme destination l’Italie, a été effectuée au mois d’avril dernier et la seconde vient d’être effectuée au courant de ce mois de juillet, au Maroc. Selon nos deux interlocuteurs, la dernière visite au Maroc a été très instructive dans la mesure où elle a permis aux officiels tunisiens qui y ont pris part de s’enquérir de l’expérience marocaine en matière de réfugiés et de migration. une expérience qu’ils estiment être assez avancée par rapport à ce qui existe actuellement en Tunisie.
Ainsi, la délégation des officiels tunisiens a pu constater sur le terrain la procédure marocaine pour l’octroi du statut de réfugié. Les Marocains, outre le fait qu’ils ont promulgué depuis des années leur loi nationale en matière d’immigration mixte, ont aussi mis en place une commission qui a pour mission de délibérer quant à l’octroi du statut de réfugié selon leurs normes et procédures nationales, et ce, contrairement à la Tunisie qui reste encore dépendante en la matière de l’UNHCR, nonobstant le caractère souverain de la question.
Au programme des deux ONG pour les mois prochains, deux visites d’étude qui seront effectuées probablement aux mois de septembre et octobre. La première aura pour destination Malte, l’île située à mi-chemin des zones d’affluence d’immigrés clandestins en région nord-africaine et leur destination européenne, et la seconde se dirigera vers la Mauritanie qui bénéficie elle aussi d’une expérience très riche en la matière.
Il reste à noter, enfin, que cet effort fourni par le CTR et CIR ne pourra aboutir que si les autorités tunisiennes prennent au sérieux la question. La Tunisie serait certainement gagnante en ne se laissant pas prendre au dépourvu comme c’était le cas en 2011.
Une lecture rationnelle de la situation dans la région et des éventuelles escalades de la tension en Libye ne pourront que donner raison aux prévisions de l’UNHCR et des deux ONG qui lui sont associées dans ce projet.