Revenant sur le financement du budget de l’Etat 2018, Fatma Marrakchi Charfi, universitaire, a livré à leconomistemaghrebin.com un état des lieux des dépenses budgétaires et des besoins pour cet exercice et sa vision afin de maîtriser l’endettement et le déficit.
Concernant le volet des dépenses, l’universitaire a rappelé d’abord la structure du budget de l’Etat, dont les dépenses incompressibles telles que le paiement du service de la dette, les transferts sociaux (Caisse générale de compensation…) et la masse salariale projetée pour l’année prochaine avec des hypothèses sur les augmentations salariales, et les dépenses compressibles qui reviennent globalement aux investissements publics.
Compte non tenu des hypothèses sur l’évolution de la masse salariale et les différents scénarios envisagés, Mme Marrakchi Charfi a annoncé qu’il ne serait pas judicieux d’avoir une politique budgétaire restrictive, car cela peut freiner la croissance, mais il serait, selon ses propos, raisonnable d’envisager une augmentation du budget de 5% environ en nominal (autant que le taux d’inflation), pour que le budget soit constant en termes réels par rapport à celui de l’exercice 2017.
Elle a précisé qu’il s’agit ensuite d’estimer les ressources fiscales de l’Etat qui sont censées constituer l’essentiel des recettes du budget (impôts sur le revenu, sur les sociétés, TVA, droits de douane …) et qui dépendent du taux de croissance prévu pour l’année 2018.
Quant à la deuxième composante, qui est constituée par les recettes non-fiscales, cela dépendra des résultats des entreprises publiques, des biens confisqués, du fruit de la privatisation…et le reste est à chercher dans les ressources d’emprunt locales et étrangères.
Ainsi, elle a affirmé qu’il s’agit de poser des hypothèses réalistes pour estimer les recettes fiscales en fonction du taux de croissance escompté pour 2018, du taux de change dollar /dinar et du prix du baril moyen de pétrole et éviter les lois de finances complémentaires qui sont devenues la règle depuis la révolution.
Dans ce contexte, pour le taux de croissance prévu par le Fonds monétaire international (FMI) dans son rapport du mois de juin 2017, notre interlocutrice a déclaré que ce taux s’établira à 3%, qu’elle trouve optimiste. Pour être plus réaliste, il faudra, selon ses dires, tabler sur 2,5%.
Pour ce qui est du taux de change, le dinar continuera, à son sens, son glissement sur l’année 2018 pour s’établir en moyenne à 2,6 dinars pour 1 dollar. Pour ce qui est du prix du pétrole, il faut tabler sur 55 $ le baril.
Quelles solutions?
Pour Fatma Marrakchi Charfi, ce qui ne peut être couvert par les ressources fiscales, pourrait l’être par les ressources non-fiscales de l’Etat, que ce soit par la privatisation des entreprises publiques, du moins celles qui n’offrent pas un service public vital ou par la vente de biens de confiscation ou par l’implication du secteur privé dans le cadre des concessions et des projets de partenariat public-privé (PPP).
Elle a estimé que l’année 2018 s’annonce difficile vu que la croissance présente des signes de reprise mais qui reste insuffisante pour parler de décollage. De même que les dépenses de 2017 commencent déjà à présenter des dérapages par rapport à ce qui est prévu pour la loi de finances 2017.
Toutefois, si les ressources fiscales et non-fiscales s’avèrent être insuffisantes, il faut chercher dans les ressources d’emprunt internes et externes. Pour ce qui est des ressources d’emprunt internes, les banques sont en train d’alimenter le déficit budgétaire par les BTAs privant ainsi l’économie de liquidités qui auraient pu être plus utiles si elles étaient orientées vers les investissements productifs.
Vraisemblablement, l’Etat continuera à puiser dans cette source de financement pour 2018, bien que sur le dernier mois, le recours au refinancement de la Banque centrale de Tunisie (BCT) a été plafonné pour le refinancement par appel d’offres et pour les opérations d’open market. Pour un besoin de refinancement plus important, les banques sont obligées de payer plus cher leur financement en usant des facilités de prêts à 24H.
En ce qui concerne les ressources d’emprunt externes, l’universitaire a souligné que la source la moins onéreuse reste le FMI dont les prêts sont remboursés à un taux d’intérêt faible (1,5 – 2%) et sur une longue échéance et avec un délai de grâce.
La Tunisie peut aussi sortir sur les marchés internationaux où la prime de risque est assez élevée et qui impacte le taux d’intérêt à la hausse (6-7%) avec des délais de remboursement relativement courts. Cette dernière solution serait, d’après elle, vraiment coûteuse pour la Tunisie. Sachant que la dette publique et la dette extérieure se sont hissées à 65 % du PIB et 73 % du PIB respectivement en juin.
Bien évidemment, le prêt du FMI reste conditionné globalement par les réformes à entreprendre par la Tunisie pour assainir notamment ses dépenses publiques, car elle est sur un schéma explosif. Ainsi, le FMI juge qu’ «il est crucial de mettre le déficit budgétaire sur une trajectoire décroissante, ce qui nécessite un ajustement supplémentaire, y compris sur la masse salariale publique qui est parmi les plus élevées au monde».
Egalement, le gouvernement est amené à faire des arbitrages dans le cadre d’un budget qui ne doit pas dépasser le budget de 2017 majoré par l’inflation et répartir ce budget entre les dépenses de fonctionnement et d’équipement, tout en privilégiant ce dernier avec un bon choix d’investissements publics et un bon suivi.
Sans apport substantiel de croissance, Mme Marrakchi Charfi a conclu qu’il faut améliorer le recouvrement fiscal et élargir l’assiette fiscale, ce qui reste tout à fait faisable, rationaliser les dépenses et établir pour 2018 des mesures fiscales permanentes et justes impliquant toutes les catégories économiques et sociales.