Il ne faudra pas s’étonner que nos politiques fassent des réseaux sociaux un moyen privilégié pour communiquer. Beaucoup de facteurs objectifs ne peuvent que les pousser à aller dans ce sens. Analyse.
Faut-il s’étonner que le Chef du gouvernement, Youssef Chahed, ait annoncé, le 6 septembre 2017, le remaniement ministériel sur Facebook avant qu’il ne le fasse à la télévision, un média plus conventionnel ?
Ce geste a suscité des commentaires. Tant la primauté donnée à un réseau social ne peut qu’étonner un public tunisien qui a pris des habitudes en matière de communication publique. Avec le train des déclarations radiotélévisées, des communiqués de presse, des conférences de presse,…
Mais c’est oublier que les choses évoluent. Et évoluent très vite. Notamment –et c’est le cas de le dire- à l’heure d’un Internet conquérant, sûr de lui et dominateur.
Cela fait en effet un moment que les politiques se sont mis à l’heure d’Internet. En buvant sa coupe jusqu’à la lie. Facebook, Twitter, Instagram, Google +, et bien d’autres applications sont largement utilisées par des partis politiques qui rêvent d’ubiquité.
Des moyens d’information incontournables
En Tunisie, rares sont les formations politiques –et les autres institutions qui le font- largement présentes sur les réseaux sociaux. Que cela soit à visage découvert ou non. C’est quelquefois de notoriété publique que certaines formations se cachent derrière des pages « mercenaires » qui viennent amplifier leur discours ou oser dire ce que leur page ne veut pas –ou ne peut pas- dire.
Des pages qui sont loin d’être négligeables dans la politique de communication de ces formations. On y trouve très souvent, comme ce fut le cas pour le récent remaniement du 6 septembre 2017, tout ce qui peut éclairer l’internaute sur les réactions à cet événement : des communiqués, mais aussi des vidéos, des documents contenant des rappels historiques…
En réalité, une tendance mondiale qui peut facilement s’expliquer. Et qui -faut-il insister sur ce fait- ne peut que s’amplifier. Rendant Internet et notamment ses réseaux sociaux non seulement des moyens d’information incontournables, mais surtout privilégiés : entendez ayant la primauté pour ceux qui les utilisent.
Pourquoi donc payer par soi-même et sa fabrication et sa diffusion ?
Chaque fois qu’il veut communiquer ses décisions ou encore ses réactions et impressions, le Président américain, Donald Trump, utilise le plus souvent Twitter. La présidence américaine utilise d’autres médias, comme les communiqués, les points de presse quotidiens, les conférences de presse, les interviews… Mais un certain privilège est accordé aux réseaux sociaux. Qui reprennent du reste ces derniers contenus. Et les pérennisent : la page de la présidence américaine est toujours là.
Pour comprendre cette –nouvelle- mécanique, il faut prendre en considération plusieurs facteurs objectifs. A commencer par l’instantanéité : grâce aux réseaux sociaux, on peut communiquer à la seconde où on veut. En clair : on n’a pas besoin de convoquer la presse, d’écrire un communiqué,…
Une instantanéité qui s’exprime très bien au niveau de la réception. Pas besoin de se déplacer pour se mettre, chez soi ou ailleurs, face à la télévision ou pour acheter son journal au kiosque du coin. Tout le monde –ou presque- à un Smartphone à portée de la main.
Sans oublier que nous sommes là dans un low-cost parfait. Communiquer par les moyens conventionnels peut coûter cher. Notamment lorsqu’il s’agit de recourir à la télévision. Avec toute son infrastructure faite de caméras, de car de reportage, de SNG (Satellite News Gathering : matériel de diffusion satellitaire des signaux),…
De toute manière, les médias conventionnels, qui sont aux aguets, reprendront l’information. Pourquoi donc payer par soi-même et sa fabrication et sa diffusion ?
Etre dans l’air du temps
Sans oublier, enfin, que les médias conventionnels ne sont pas facilement « mobilisables » : ils ne répondent pas toujours présents lorsqu’on les appelle. On leur reproche également, parfois, de ne pas traiter « convenablement » l’information qu’ils collectent.
De plus, utiliser les réseaux sociaux cela peut faire, pour ainsi dire, « in ». Avec Internet et ses réseaux sociaux, nous sommes dans l’air du temps. Nous sommes dans la modernité.
Et l’on touche un public important : celui des jeunes, férus, du moins tout le monde le croit, et les études le disent, plus que les autres tranches d’âge de la population de nouvelles technologies. La tranche d’âge des 18-29 ans ne constitue-t-elle pas en Tunisie 23,3% de la population ?
Et près de 70% des utilisateurs de Facebook n’ont-ils pas en Tunisie entre 18 et 34 ans ? Les utilisateurs de ce réseau social ne constituent-t-ils pas du reste en Tunisie une importante audience bonne à prendre : 5,2 millions de Tunisiens utilisaient, en 2016, Facebook selon l’agence Medianet, spécialisée en ingénierie informatique et web service.