En Tunisie, la gestion des ressources humaines par l’Etat est l’un des principaux chantiers. Lancer des plans sociaux dans les différentes entreprises publiques est une priorité afin d’alléger la structure de charges de ces entités. C’est également un point chaud avec les syndicats qui refusent, naturellement, tout licenciement. Néanmoins, la Loi de Finances Complémentaire – LFC – 2014 a apporté la solution dans son article 2 relatif à la réaffectation des agents publics.
L’instauration du principe de la mobilité
Après la révolution, les différents gouvernements ont fait de l’administration le choix facile pour réduire le chômage des jeunes diplômés. Ce recrutement massif a engendré des déséquilibres importants dans la mesure où il a été effectué sans respecter les vrais besoins de chaque service et le profil nécessaire à chaque poste. Inversement, beaucoup de nouvelles recrues se sont trouvées affectées dans des fonctions qui nécessitent des qualifications inférieures aux leurs. La LFC 2014 a donné la possibilité d’affecter un agent à un autre poste dans une autre administration publique, et ce, en respectant les compétences requises pour assurer la fonction.
Un plus pour les fonctionnaires ?
C’est donc une véritable révolution dans la gestion des ressources humaines dans la fonction publique tunisienne. Injecter une dose de souplesse permettant aux fonctionnaires de bénéficier d’un parcours professionnel qui valorise mieux l’expérience d’un agent tout en prenant en compte les besoins du service public. C’est le premier édifice dans la mise en place d’une gestion personnalisée des carrières comme certaines sociétés privées le font.
Mais le plus important pour que la mobilité donne les fruits souhaités est de ne pas tomber dans le conflit d’intérêts. Toute nouvelle affectation doit concilier les attentes du fonctionnaire avec celle de l’employeur, l’Etat dans le cas d’espèce. Il convient donc d’assurer l’adéquation des compétences des agents aux responsabilités confiées et de créer les mécanismes de développement de carrières au travers des parcours adaptés. Il faut également favoriser l’adaptabilité à de nouvelles fonctions et outils à travers des actions de formation complémentaires ciblées.
Des obstacles en vue ?
Cette bonne volonté d’améliorer le rendement de l’administration tunisienne peut se heurter à d’importants obstacles d’ordre personnel ou institutionnel.
Nous trouvons en premier lieu la situation extra-professionnelle. Choisir son lieu de travail est tributaire de la situation personnelle et familiale. Le travail du conjoint et les conditions de scolarité des enfants peuvent être un obstacle sérieux à la mobilité. Déjà, en Tunisie, la principale raison de mobilité reste le rapprochement du conjoint.
En second lieu, le déroulement de la carrière pendant et après une nouvelle affectation est important. Le changement du travail entraîne naturellement celui de son premier responsable. Un fonctionnaire peut craindre que son nouveau patron le sous-valorise, ce qui impacte son futur avancement. Ainsi, la perte serait double. En fait, pour sa nouvelle administration, il est considéré comme une « pièce rapportée » qui doit passer après les agents qui jouissent d’une plus grande ancienneté.
En troisième lieu, il y a le problème de la rémunération. Chaque ministère développe une politique de compensation qui lui est propre selon une grille définie. Certains sont plus généreux que d’autres ou confèrent des avantages en liaison avec la nature du travail. Ces inégalités contribuent à figer les nouvelles affectations.
Enfin, il ne faut pas oublier le poids des syndicats qui peuvent s’opposer à des affectations surtout si une partie des fonctionnaires se sent lésée.
Réaffecter les fonctionnaires selon les besoins reste donc difficilement réalisable. Pour le moment, un bon départ dépendrait d’une entente parfaite avec les parties prenantes à l’administration tunisienne et d’un traitement équitable du cas de chaque fonctionnaire intéressé. Autrement dit, une nouvelle porte pour la dégradation de l’administration serait ouverte et personne ne pourra la refermer.
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