Après Mongi Bousnina (2002-2009) et Mohamed Aziz Ben Achour (2009-2013), il faudra sans doute attendre encore longtemps pour voir un candidat tunisien ou tunisienne comme cela vient d’être le cas, pour prendre le relais à la tête de l’ALECSO, organisation panarabe pour l’éducation, la culture et les sciences.
Proposée par le gouvernement tunisien pour succéder au Koweïtien Abdallah Muharab, parti à mi-mandat (il en était à un second qui dure quatre ans) pour cause de décès, la candidature de Hayet Guettat Guermazi, docteur en histoire et haut fonctionnaire au sein même de cette institution créée en 1970, conformément à l’esprit de l’action arabe commune qui n’aura été au bout du compte qu’un feu de paille, n’a pas été hélas retenue, et c’est un autre Koweïtien, Saoud Harbi, qui vient de rafler la mise par K.O dès le premier round ne laissant que des miettes à ses concurrents.
« Légitime », a déclaré la partie koweïtienne, feu Abdallah Muharab qui en était à son second mandat, a été surpris par la mort. Presque normal qu’un Koweïtien succède à un autre. Et c’est encore plus normal quand on sait que l’Emirat est le plus gros contributeur de l’organisation. Mais cet argument, aussi massue soit-il, peut-il expliquer à lui seul un revers qui fait suite à un précédent? Même si je ne suis pas sûr que le mot soit juste tant il est vrai qu’avec les pays frères surtout ceux du Golfe, il faut savoir se… retirer.
A-t-on sciemment jeté l’éponge en sauvant les apparences d’une compétition qu’on a voulue régulière ? N’aurait-il pas mieux valu ne pas présenter de candidature tout simplement au lieu de faire le jeu d’une parodie d’élection ? Tout cela n’est bien sûr que supputations dont on aurait pu faire l’économie. Et qui plus est, quand c’est le Koweït qui prend l’initiative de convoquer à la hâte une Assemblée générale de l’organisation à… Koweït City, s’il vous plaît, et non pas au siège de l’organisation sise à Tunis. N’aurait-il pas mieux valu s’abstenir, surtout que le souvenir de l’échec, lui aussi cuisant, de l’ancien ministre de l’Education sous la Troika, Abdellatif Abid face au défunt Muharab est encore vivace? Autant de questions qui se bousculent et qui attendent des réponses.
L‘autre semaine, j’ai prévenu qu’une seconde rebuffade serait de trop; voilà, nous y sommes. Il semble que les leçons de la déconvenue du candidat Abid n’aient pas été retenues, sinon comment interpréter ce qui ressemble à un manque flagrant de cohérence de la part notre diplomatie multilatérale?
S’il y a méprise dans la lecture de ce résultat, qu’on s’active pour rompre un silence radio qu’on a du mal à expliquer et ce n’est pas la première fois que cela arrive! Le passé éclairant le présent, je pense que ce n’est ni dans l’intérêt de Carthage, ni dans celui du ministère des Affaires étrangères de jouer la discrétion, question de crédibilité.
Echec donc sur toute la ligne. Et je ne compte plus les fois où, à l’occasion d’une élection régionale ou internationale, la diplomatie tunisienne multilatérale a été renvoyée à ses chères études ! C’est terrible de le dire, mais à chaque fois qu’on a candidaté pour un poste important, on a fait preuve d’un manque d’agressivité effarant, quand ce n’est pas d’une impréparation qui laisse pantois; et ce n’est pas enlever au mérite de nos valeureux diplomates qui font ce qu’ils peuvent avec les moyens du bord.
Et puis, il faut bien souligner qu’en vertu du principe de réciprocité fondamental en diplomatie plus qu’ailleurs, des arrangements entre Etats pour l’obtention de tel ou tel poste sont monnaie courante. Il faut peut-être penser que cela a été le cas pour l’ALECSO.
En tout cas, je sais qu’un comité a été spécialement mis en place pour plancher sur tout ce qui relève de ce sujet, à l’effet d’identifier les meilleurs candidats possibles; ce qui n’empêche pas les couacs. Visiblement la machine est toujours enrayée, et il appartient donc à M. Jhinaoui très actif par ailleurs (c’est le meilleur que l’on puisse lui souhaiter) et à ses collaborateurs de rectifier le tir.
Et puis, dans un monde arabe encore emmuré dans son machisme, je ne sais pas si proposer une femme a été une bonne idée. La Tunisie a voulu faire un coup d’éclat, elle n’a pas réussi. Ce sera pour une autre fois quand les esprits seront plus mûrs.
Un nouveau directeur général pour une mission qui, il est vrai, n’est pas facile, surtout quand on sait que les politiques culturelles dans le monde arabe ne brillent pas par leur harmonisation, chaque pays membre ayant une conduite propre conforme à ses desiderata.
Forcément à l’arrivée, c’est la confusion quand ce n’est pas la régression sur le double plan culturel et éducationnel. Partant, crier dans ces conditions au loup obscurantiste et extrémiste, relève de la mauvaise foi, puisqu’il y a des pays membres dont l’activisme rétrograde n’est un secret pour personne. Cela étant, on pourra toujours avoir le temps de pleurer de joie pour les uns et pleurer d’impuissance pour les autres.