L’accord de réconciliation entre le Fatah (élément essentiel de l’OLP et donc de l’Autorité palestinienne qui contrôle la Cisjordanie) et le Hamas (au pouvoir à Gaza) – en conflit ouvert depuis 2006-2007 – a permis au gouvernement de l’Autorité palestinienne de faire son grand retour le 2 octobre dernier, dans la bande de Gaza. Cette visite tend moins à sceller ladite réconciliation interpalestinienne qu’à rendre réel, effectif, l’accord déjà conclu en avril 2014. Retour sur ce processus de négociation interpalestinienne qui se juxtapose au processus de négociation insraélo-palestinienne.
L’Egypte, qui joue aujourd’hui un rôle moteur dans la réconciliation inter-palestinienne, avait déjà assuré une fonction pivot dans le premier accord de 2011. La chute de Hosni Moubarak et l’arrivée au pourvoir des Frères musulmans ont eu pour conséquence l’ouverture du poste-frontière de Rafah, seul accès terrestre de la bande de Gaza à ne pas être contrôlé par Israël. Puis, c’est sous l’égide des services de renseignement égyptiens que Fatah et Hamas ont été amenés à sceller (un premier) accord de réconciliation au Caire, le 4 mai 2011.
L’accord prévoyait la formation d’un gouvernement d’union chargé de préparer des élections législatives et présidentielles palestiniennes l’année suivante, ainsi que la réintégration des forces du Fatah, le parti de Mahmoud Abbas, à Gaza, et des membres du Hamas en Cisjordanie. Ce plan est resté lettre morte… Alors que les négociations directes entre Israël et l’Autorité palestinienne avaient repris en juillet 2013 – sous l’impulsion et la tutelle des États-Unis – le blocage de ces dernières a amené le président Mahmoud Abbas à conclure un nouvel accord de réconciliation avec le Hamas.
Le gouvernement de « consensus national » devrait être composé de technocrates, en vue notamment de préparer des élections législatives et présidentielle. Celles-ci devaient avoir lieu six mois après que le Conseil législatif palestinien aura voté la confiance à ce cabinet. Une véritable feuille de route fut fixée suivant une série de principes : reconnaissance de l’État Israël, rejet de la violence (y compris terroriste) et respect des engagements internationaux. Si un gouvernement « de consensus national » a bien été formé, dans les faits, le Hamas n’a jamais vraiment cédé le contrôle de la bande de Gaza. Jusqu’à aujourd’hui, le gouvernement de « consensus national » n’exerce nulle autorité sur cette portion du territoire palestinien.
Le nouvel accord traduit une volonté politique du Hamas et du Fatah de sortir de l’impasse actuelle. Une volonté contrainte, plutôt que librement exprimée par les deux parti(e)s. A Gaza, le Hamas – isolé, du fait de la prise de distance de son principal bailleur de fonds, le Qatar – est confronté à une crise humanitaire sans précédent, en partie provoquée par l’Autorité palestinienne et sa décision de baisser de manière drastique sa contribution financière au paiement des fonctionnaires et de besoins primaires. C’est ainsi que les habitants gazaouis n’ont accès à l’eau et à l’électricité seulement trois à quatre heures par jour. Outre l’idéal de l’unité palestinienne, c’est la perspective d’une amélioration de la condition de la population de Gaza qui explique aussi le soutien populaire à l’accord de réconciliation.
Quant à l’Autorité palestinienne, sa démarche a été largement influencée par l’Égypte, qui entend revenir dans le jeu diplomatique régional, y compris par un rapprochement du Hamas (pour en faire un allié dans la lutte contre les djihadistes qui harcèlent les forces égyptiennes au Sinaï), via un intermédiaire devenu incontournable : Mohamed Darlan (lui-même soutenu par les dirigeants des Emirats Arabes Unis).
Cette réconciliation entre le Hamas et le Fatah est un processus loin d’être clos. L’enjeu se situe notamment dans la nouvelle répartition des finances de l’Autorité palestinienne ; il faudra également bien gérer l’intégration des forces militaires et civiles du Hamas dans les services de l’Autorité palestinienne.
Le principal intérêt pour les Palestiniens de ce rapprochement est l’unicité de la représentation dans des négociations de paix avec Israël qui poursuit sa « stratégie d’empêchement » de création de tout État palestinien viable. Le Premier ministre israélien aura beau jeu d’accuser M. Abbas d’avoir choisi « le Hamas et non la paix », ses déclarations ne sauraient masquer la responsabilité personnelle du chef de la droite nationaliste dans l’échec historique du processus de paix israélo-palestinien.
Faute d’accord de paix israélo-palestinien, la réconciliation inter-palestinienne est à saluer. D’ailleurs les deux sont interdépendants : comment créer un État palestinien en l’absence d’unité palestinienne ? En cela, l’accord de réconciliation offre une lueur d’espoir pour les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie. Toutefois, la mise en perspective historique de ce nouvel épisode commande une certaine prudence…
Quoi qu’il en soit, l’avenir politique des Palestiniens passe par une « double paix » : extérieure, avec les Israéliens, et intérieure, entre le Fatah (à la tête de l’Autorité palestinienne) et le Hamas (au pouvoir à Gaza). Ces deux éléments sont-ils contradictoires- comme l’affirme Benyamin Netanyahou- ou complémentaires, comme nous le pensons ? En attendant que l’Histoire tranche, le nouvel accord de réconciliation est un pas dans le sens de l’unité nationale. Toutefois, l’effectivité et l’efficacité ne sont pas garanties. Il revient aux responsables palestiniens d’être à la hauteur des espoirs de leur peuple, fatigué par les trahisons politiques qui ont marqué son histoire moderne.