La Tunisie et le Maroc devraient fixer une stratégie de positionnement efficace dans les réseaux mondiaux de production et d’innovation afin de renforcer la croissance et l’emploi. Cette stratégie consiste à investir dans les compétences, à mettre en place une infrastructure de qualité, à promouvoir l’établissement de liens étroits entre le monde des affaires et le monde universitaire.
Tel est le principal constat dans la conclusion d’une étude intitulée « La complexité de la remontée des chaînes de valeur mondiales : cas des industries automobile et aéronautique au Maroc et en Tunisie » et élaborée par les deux universitaires Larabi Jaidi et Yassine Msadfa pour le compte du think tank marocain OCP Policy Center.
L’étude a observé que le Maroc et la Tunisie gagnent en parts de marché dans la compétition mondiale par l’effet de transformation structurelle de leurs économies, c’est à dire par réallocation des ressources à des activités nouvelles et plus productives. Le Maroc et la Tunisie ont acquis dans les secteurs de l’automobile et de l’aéronautique un certain niveau de capacité manufacturière à même de favoriser une plus grande participation de la région maghrébine dans les chaînes de valeur mondiales.
Pourquoi l’étude s’est-elle penchée sur l’automobile et l’aéronautique ? Parce que l’externalisation et la délocalisation dans ces deux secteurs ont offert aux deux économies maghrébines l’opportunité de capter les avantages de leur situation géographique, de l’apport des réformes industrielles et de gagner en efficience en renforçant leurs capacités d’attractivité.
Le secteur automobile mondial connaît donc une phase de refonte de sa chaîne de valeur avec un basculement de la demande et de l’offre mondiale vers les pays émergents. Le Maroc et la Tunisie s’évertuent à prendre une part de ce déploiement de la chaîne de valeur.
Deux composantes industrielles constituent les fondamentaux du secteur aéronautique mondial. Il s’agit de la construction aéronautique et de la sous-traitance. Là aussi, le Maroc comme la Tunisie ont déployé d’intenses efforts pour capter l’intérêt des grands constructeurs.
En guise de conclusion, l’étude a fait remarquer que l’insertion réussie dans les chaînes de valeur mondiales peut permettre au Maroc et à la Tunisie d’instaurer les activités nouvelles et plus productives qui sont nécessaires à la transformation structurelle. Les stratégies sectorielles de l’automobile et de l’aéronautique ont impulsé une nouvelle dynamique de création de richesses dans les économies marocaine et tunisienne.
« Toutefois, la montée en chaîne de valeur, génératrice de richesses additionnelles reste limitée. Ces deux industries font face au défi majeur de se positionner dans le processus de fragmentation géographique des processus de production », observe l’étude.
Les conditions de succès
Les stratégies sectorielles ne peuvent avoir comme objectif la création d’un secteur qui couvre tous les stades de la production, mais elles doivent s’efforcer de trouver la meilleure place du secteur concerné au sein d’une chaîne de valeur mondiale, ainsi que l’offre de fonctions opérationnelles la plus compétitive.
« Il est donc indispensable de comprendre les caractéristiques des chaînes mondiales de valeur et les conditions qu’elles imposent pour identifier les difficultés auxquelles les entreprises nationales se heurtent pour participer à ces chaînes ainsi que les possibilités qu’elles ont de s’y intégrer et d’y progresser », recommande l’étude.
Les problèmes qui restreignent les capacités des entreprises locales sont notamment l’insuffisance des compétences entrepreneuriales et des compétences de gestion, le manque de personnel qualifié, ainsi que les obstacles en matière de recherche et les obstacles en matière de distribution et de logistique.
En dépit des avancées, de grands défis restent à surmonter pour hisser ces deux pays au rang de nations industrielles émergentes. Surmonter des défis majeurs pour une meilleure insertion dans les chaînes de valeur mondiales exige d’identifier le positionnement dans la chaîne de valeur en fonction des capacités et de saisir les opportunités offertes par les chaînes de valeur mondiales en offrant le meilleur environnement possible aux chaînes de valeur présentant le plus fort potentiel identifié.
Les conditions de succès dépendent de la capacité de renforcer les fondements de la compétitivité des deux secteurs et des économies nationales dans leur ensemble.
Tout aussi importante, la qualité des institutions et des administrations peut peser très lourd dans la décision d’une entreprise d’investir et de mener des activités économiques dans un pays donné. Faute d’investissements suffisants dans les compétences, le progrès technologique et l’intervention dans les CVM ne s’accompagnent d’aucun gain de productivité.
Progresser dans la chaine de valeur suppose de changer, d’innover et d’augmenter sa productivité sans cesse. Le Maroc comme la Tunisie ont un réel besoin de booster les politiques de l’innovation, rehausser le niveau des connaissances et des technologies intégrées à la production et aux exportations pour rendre ainsi la concurrence des pays où les salaires sont inférieurs moins probable.
C’est dans ces conditions que la politique industrielle peut asseoir une chaîne de valeur diversifiée et plus compétitive en se positionnant sur les activités à plus haute valeur ajoutée des chaînes de valeur mondiales.
Pour que le Maroc et la Tunisie puissent saisir les opportunités offertes par les chaînes de valeur mondiales, il faudrait donc que les politiques publiques procurent le meilleur environnement possible aux deux chaînes de valeur qui présentent un potentiel indéniable. En somme, il faudrait des actions publiques pour progresser le long de la chaîne de valeur, des entreprises performantes et des ressources managériales compétentes et innovantes.
Le potentiel de développement de ces industries dans la région est large. La mise en place de réseaux régionaux de production intégrée permettra d’améliorer la montée en gamme de ces industries dans la région. Les efforts visant à améliorer l’intégration de la région devront contribuer à la création de plateformes d’échange et de coproduction dans la région.
Il convient, à cet effet, de suivre le modèle asiatique en identifiant les avantages spécifiques à chacun des lieux le long des différentes chaînes de valeur, et de coordonner ces avantages en vue d’attirer les différents acteurs dans ces chaînes, notamment par la promotion de l’IDE régional.