Après une série, pas nécessairement positive, d’introductions en Bourse durant 2013, les IPO se font désormais rares. Nous sommes actuellement à une seule opération depuis le début de l’année et il y a peu de chance de voir une autre se concrétiser avant le mois de décembre. Un problème ?
Oui pour les professionnels de la Place car cela ne fait qu’ajouter une nouvelle complication à leur situation délicate. Pour les investisseurs individuels, les IPO ne sont plus attractives. Certains sont même pour le boycottage des prochaines introductions et accusent les brokers d’être, en grande partie, à l’origine de la dégringolade du marché actions.
Le nombre de souscripteurs sur un trend baissier
Le dernier flux remarquable de souscripteurs remonte à l’opération One Tech Holding. Depuis, le nombre d’intéressés a chuté. Où sont passés alors ces actionnaires individuels qui se bousculaient pour souscrire à ces opérations ? Certains craignent que les particuliers risquent de devenir une espèce en voie de disparition en Bourse alors que rien ne semble pouvoir arrêter leur exode, sur fond de crises sociopolitiques successives.
De plus, ce n’est sans doute pas le recul récent du Tunindex qui va inciter le grand public à venir s’aventurer sur le marché. Depuis la rentrée, l’indice phare de la Place de Tunis a une contre-performance de -4,25% et les réactions au projet de la Loi de Finances ne favoriseraient pas une reprise immédiate.
Bien qu’il ait beaucoup d’incertitudes, nous ne pensons pas que les particuliers ne croient plus en l’investissement boursier. C’est plutôt la baisse de gains réalisés, par rapport à ce qui se passait auparavant, qui a constitué une déception pour les investisseurs bien qu’en réalité, il s’agit d’un signe de bonne santé pour la Place. Les particuliers, qui sont par défaut des investisseurs dynamiques et changent rapidement de positions, préfèrent alors chercher d’autres opportunités sur le marché.
L’investissement responsable, une nécessité
Si les actionnaires se plaignent aujourd’hui du comportement des titres récemment introduits sur le marché, nous pensons que l’ère des +40% dès la première cotation d’une société nouvellement introduite est révolue. La Place de Tunis est plus mûre et les opérateurs font de plus en plus attention aux différents paramètres de valorisation.
Celui qui investit aujourd’hui dans les IPO doit mettre en tête que pour gagner de l’argent, il faut qu’il accompagne la société dans son développement et adhérer à son business plan sur la base duquel elle s’est introduite sur le marché. Et les chiffres sont là. L’expérience a montré que ceux qui ont gardé un titre, fondamentalement solide, depuis la souscription pour un nombre long d’année, sont parvenus à battre le marché.
Et pour les prochaines opérations ?
Les opérateurs sur le marché manquent actuellement de visibilité. Les montants de capitaux « dormants » sont faramineux mais n’arrivent pas à prendre le chemin de la Bourse de Tunis. Cela dépasse la question de la qualité des papiers. Il faut bien reconnaître qu’auparavant, l’administration fiscale ne faisait pas de la Bourse une priorité. Plutôt, elle n’inquiétait que rarement les gens qui y mettaient de l’argent puisqu’il s’agit, in fine, d’une richesse qui contribue à financer l’économie, indépendamment de son origine.
Aujourd’hui, avec l’amélioration de l’efficacité de l’administration fiscale et la lutte contre le blanchiment d’argent, il est devenu très difficile de se hasarder en Bourse avec des revenus non déclarés. Ainsi, un bon nombre d’ « investisseurs » ont déserté le marché, ce qui est un point positif pour la pérennité du marché financier tunisien.
Autre point important : la crise de confiance entre les professionnels et les investisseurs reste aigue. Après l’opération Syphax, ce n’est plus évident de se fier à l’avis d’un broker. Plusieurs souscripteurs y avaient laissé des plumes.
Même la Bourse de Tunis est de plus en plus méfiante en matière de sélection de dossiers des entreprises candidates à l’ouverture de leur capital au public, et le CMF est plus strict dans l’accord de ses visas. Il suffit de voir le nombre de sociétés qui ont déposés des demandes d’admission à la BVMT sans l’obtenir, et celles dont l’expérience s’est terminée rapidement après l’avoir obtenue. Mais cela n’est pas suffisant pour reconquérir les investisseurs.
Autrement dit, il ne faudra pas s’attendre à un engouement de la part des petits porteurs lors des prochaines opérations. Pour le faire, il faut une révolution au niveau de la qualité de conseil offert par les professionnels de la place d’une part, et quelques incitations pour attirer une partie de la liquidité vers la Bourse d’une autre part. Malheureusement, le projet de Loi de Finances 2018 a raté l’occasion de donner au marché une nouvelle chance. Ce n’est pas offusquant d’une administration qui ne cherche qu’à collecter le maximum d’impôts sans penser à relancer l’investissement.