Le thème de l’inflation a dominé les débats de la semaine dernière. Néanmoins, nous avons vu très peu d’intervenants évoquer la question des taux d’intérêt qui ont flambé suite aux décisions de la Banque centrale.
Le lancement de la courbe des taux semble passer inaperçu bien qu’il s’agisse d’un évènement majeur.
Qu’est-ce qu’une courbe des taux ?
Connue également sous le nom de courbe de rendement, cette courbe n’est autre qu’une représentation graphique mettant en relation les valeurs des taux d’intérêt et leurs termes relatifs aux titres de dette d’un émetteur. Dans un marché, la courbe de référence est celle des emprunts émis par l’Etat et donc les BTA dans notre cas. La courbe est basée sur une relation inverse entre le prix et le rendement.
Grâce à cet outil, les différents intervenants économiques auront dorénavant une idée plus claire sur la tendance. Les marchés de dettes sont les plus efficients car seuls les institutionnels y ont accès. Ainsi tout mouvement, réel ou anticipé, des taux va mécaniquement générer des transactions afin de se positionner sur les lignes les plus rentables ou pour éviter des pertes.
Une tendance haussière qui s’annonce
La forme que prend une courbe de taux renseigne sur les anticipations des investisseurs sur trois facteurs très importants: les taux futurs, l’inflation et l’appréciation du risque de défaut. Le graphique ci-après montre la courbe tunisienne et son évolution entre décembre 2016 et janvier 2018.
En observant la courbe, il est clair que le marché table sur une hausse. C’est logique puisque l’inflation est actuellement à 6,4% alors que le taux directeur est à 5,25%, 25 points de base seulement au-dessus du taux de rendement de l’épargne. Pour éviter une distorsion de taux, la Banque centrale sera obligée de les réviser à la hausse dans les prochaines semaines. D’ailleurs, le TMM au jour le jour a explosé pour atteindre 5,6%. Cette tendance était attendue par les gestionnaires.
Comme nous pouvons le constater, les investisseurs ont choisi de détenir des lignes à court terme au détriment de lignes longues, moins attractives. La logique est diamétralement opposée côté émetteur. L’Etat devrait se concentrer sur les emprunts à plus longues échéances. C’est ce qui s’est passé la semaine dernière avec l’adjudication d’échange des BTA pour la ligne BTA 5,3% janvier 2018 contre deux lignes : BTA mars 2027 et BTA juin 2021. Les taux respectifs ont été de 7,504% et 6,584%. La ligne proposée BTA juillet 2032 n’a pas été souscrite. L’opération n’a que partiellement réussie dans la mesure où 167,85 millions dinars seulement ont été échangés sur un total de plus de 475 millions de dinars.
Si les investisseurs tablaient plutôt sur de bonnes perspectives économiques, ils auraient dû opter pour des titres à plus longue échéance pour garantir le rendement de leurs investissements avant que les taux d’intérêt courants ne baissent.
Et si nous passons au free float ?
Si la Banque centrale baisse ses taux, comme le revendiquent plusieurs hommes politiques, nous serons dans un environnement marqué par une politique monétaire incitative dans un régime de change presque fixe. A long terme, une telle recette aura des conséquences catastrophiques car on aura une forte inflation, d’où une valeur d’équilibre plus faible du dinar. Les taux d’intérêt vont donc augmenter pour tenir compte des attentes d’une dépréciation monétaire.
Si la Banque opte pour un régime de change flottant avec l’écart important actuel entre les niveaux des taux d’intérêt avec les devises étrangères, on assistera à de fortes variations des taux de change. Ces derniers vont évoluer de sorte à retrouver une situation dans laquelle un placement sans risque dans l’une des devises soit équivalent au placement sans risque de même échéance dans l’autre devise. Autrement, il deviendrait possible de réaliser des gains illimités sans aucun risque. Ainsi, si la BCT va libéraliser le dinar, il y aura un flux d’investissement en titre de dettes de l’Etat puisque nous évoluons dans un environnement de taux élevés. Elle pourra ainsi alléger le recours au marché local et par la suite les pressions sur les taux d’intérêt à court terme.
Dotées de plus de moyens financiers, la Banque pourrait même initier un programme de rachat de titres qui permet de confirmer cette tendance. Avec l’amélioration de la productivité et des exportations, le dinar pourrait s’améliorer renforçant ainsi le mouvement baissier des taux. Par contre, si la productivité reste faible, les conséquences seront néfastes car non seulement on va sacrifier la production et l’emploi, mais il y aura une hausse vertigineuse du coût de financement.
La clé reste donc la productivité que plusieurs lient à l’amélioration des conditions de travail, et donc aux augmentations salariales. On aura donc plus d’inflation et donc des taux plus élevés à court terme. Cela va faire du passage tardif à un régime flottant encore plus difficile et plus coûteux.