Après un début d’année sous haute tension, les mouvements de contestation se sont ralentis. Néanmoins, ils risquent de reprendre de plus belle avec la succession des mauvaises nouvelles, notamment concernant le prix du pétrole.
Des hypothèses déconnectées de la réalité
L’actuel budget de l’Etat est basé sur un baril à 54 dollars, alors que le Brent s’échange aujourd’hui à 68,75 dollars ! Le cours reste sur une tendance haussière, sous l’effet de l’augmentation constante de la demande, des accords entre exportateurs sur une diminution des volumes de production et de la stabilisation de l’extraction de pétrole de schiste aux Etats-Unis.
Cette dynamique est destructrice pour notre budget avec un surcoût estimé à 120 millions de dinars pour toute augmentation d’un (1) dollar du prix du baril. De plus, toute dépréciation du dinar vis-à-vis de la devise américaine de l’ordre de 10 millimes coûte à l’Etat tunisien 30 millions de dinars. Le gouvernement se retrouve ainsi face à un défi majeur : combler un besoin de financement supplémentaire de 1 800 millions de dinars, afin de compenser le gap entre la réalité des marchés et les hypothèses établies.
Budget : un vrai dilemme
Bien évidemment, résoudre cette équation s’avère complexe. Une première solution serait de répercuter ces hausses sur les prix de vente du carburant, conduisant à une explosion de l’inflation. Les hydrocarbures constituent un intrant substantiel dans la structure de charge de tous les produits, impactant logiquement les prix de vente. Une telle mesure portera un préjudice considérable à l’ensemble du tissu entrepreneurial, en limitant aussi bien sa compétitivité que sa productivité.
De l’autre côté, la BCT va naturellement revoir à la hausse son taux directeur et les banques vont prêter aux agents économiques à des taux plus élevés limitant ainsi l’accès au financement ou, au mieux, conduisant à une majoration du coût de ressources.
Pour les entreprises, une baisse des revenus, soutenue par la décélération de la demande et une augmentation des charges opérationnelles et financières auront des conséquences néfastes sur l’investissement, principal pilier de croissance et d’absorption du chômage.
La seconde solution, plus facile et moins douloureuse à court terme, serait de chercher la somme différentielle sur les marchés internationaux en s’endettant encore plus, mais cette fois dans un but de financer son BFR. Vu notre rating et la taille de nos engagements extérieurs (76 milliards de dinars représentant environ 70% du PIB), le coût d’une telle sortie serait cher. De plus, elle discréditerait le gouvernement qui n’a pas cessé de mettre l’accent sur la nécessité de stopper cette hémorragie, justifiant l’«orthodoxie» de la loi de finances 2018.
La troisième solution envisageable, la plus fatale pour la situation économique du pays, serait de se diriger vers de larges coupes budgétaires en matière d’exploitation et d’investissement. Une politique d’austérité ne peut qu’affecter le rythme de croissance souhaité par le gouvernement.
Au final, les autorités ont un véritable casse-tête à résoudre en vue de garantir les équilibres budgétaires. Il est évident que l’instauration de réformes profondes aura un coût social important. Toutefois, ne pas reformer aura un coût encore plus exorbitant.