Le président d’honneur de Tunisia-Africa Business Council (TABC) et ancien ministre de Finances, Jaloul Ayed, est revenu sur les opportunités et les difficultés rencontrées par les investisseurs tunisiens en Afrique subsaharienne, lors de l’ouverture de la première édition de la Conférence Financing investment & Trade in Africa (FITA 2018) aujourd’hui, 6 février, à Tunis.
D’emblée Jaloul Ayed a rappelé que l’Afrique a une place de choix dans les politiques et les stratégies adoptées par les gouvernements, les multinationales, les différents acteurs économiques et les organisations internationales.
Tous les chemins mènent à l’Afrique
Se référant aux chiffres, l’économiste a indiqué que les statistiques africaines recèlent un potentiel fabuleux. « Notre continent occupe, aujourd’hui, une superficie immense inexploitée. » Pour lui, avec cette superficie on parle de plusieurs Afrique et pas d’une seule Afrique.
Par ailleurs, l’ancien ministre considère que l’Afrique dispose de ressources inestimables. En effet, la population du continent africain s’élève actuellement à 1,4 milliard d’habitants et dépassera le cap de deux milliards en 2040; elle disposera donc de la main d’œuvre la plus abondante au monde. L’Afrique subsaharienne a affiché des taux de croissance les plus élevés au monde et un endettement bien maîtrisé. « Cela n’aurait pas été possible sans la mise en place d’une meilleure gouvernance, d’une réduction notable des conflits armés et de la mise en place d’institutions démocratiques. L’une des conséquences de cette situation est l’émergence d’une classe moyenne qui, dans cinq ans, dépassera les 120 millions de ménages et cela représente un marché de grande consommation de 1,5 trilliards de dollars », argumente-t-il.
Mais les difficultés sont bel et bien là
Tout en reconnaissant l’existence de plusieurs opportunités en Afrique subsaharienne, Jaloul Ayed n’est pas sans pointer du doigt un certain nombre d’obstacles, notamment les difficultés de financement. Sur ce point, l’intervenant ne manque pas de chiffres : la Chambre du commerce internationale estime que le gap de financement du commerce en Afrique s’élève à plus de 120 milliards de dollars. Quant au déficit de l’infrastructure, il s’élève à 50 milliards de dollars par an.
Par ailleurs, le gap est particulièrement sévère dans le domaine énergétique. « Le Nigéria, qui représente aujourd’hui la plus grande économie africaine, avec une population de 190 millions d’habitants, produit autant d’électricité que la ville de Woodlands de Singapour, dont le nombre d’habitants est d’environ cinq millions », affirme-t-il.
L’intervenant a fait remarquer l’existence d’une conscience grandissante en Afrique, collective, de tout bord, en vue d’unir leurs efforts et se mettre main dans la main à construire le continent. « C’est ainsi que des zones de libre échange ont été érigées, telles que la zone de libre échange tripartite englobant la communauté de l’Afrique orientale, COMESA (Common Market for Eastern and Southern Africa) et la communauté du développement de l’Afrique centrale. Dans ce contexte, il a rappelé que la Tunisie deviendra membre permanent du COMESA, à partir d’avril prochain. Pour lui, cette perspective est de bon augure, à un moment où la Tunisie place la promotion de ses exportations en priorité. L’ancien ministre a rappelé que le Conseil supérieur de l’exportation s’est réuni récemment pour la première fois et a fixé comme objectif d’atteindre les 50 milliards de dinars d’exportation.
Tout en indiquant que les mesures décrétées par ce Conseil sont importantes, il a rappelé qu’elles n’ont pas éclipsé les entraves face auxquelles se trouvent les exportateurs tunisiens qui cherchent à saisir des opportunités d’affaires en Afrique subsaharienne. « Nos exportateurs doivent souvent affronter un vrai parcours du combattant : lourdeur administrative, insuffisance de ligne maritime et de desserte aérienne, encombrement du port de Radès; et s’ajoute à cela le problème de financement » indique-t-il. A cet égard, il a rappelé que les exportateurs peinent à trouver le financement adéquat pour leurs opérations d’exportation. Sur ce volet, l’intervenant refuse de rejeter la faute totalement sur les banques tunisiennes. »
Les banques en première ligne
Ainsi les banques, de concert avec les autorités monétaires, doivent songer à des solutions innovantes au problème de financement, afin de mieux répondre aux besoins spécifiques des exportateurs tunisiens qui souhaitent conquérir l’Afrique subsaharienne. « Les banques tunisiennes gagneraient à songer à l’introduction ou au renforcement de certains modes de financement qui ont fait largement leur preuve dans d’autres marchés », dit-il; avant de citer quelques exemples: le financement d’entrepôt, l’émission de billet de trésorerie adossé à une créance commerciale, le financement par le biais d’acceptation bancaire et le financement fondé sur les bons de commande.
Dans la même lancée, Jaloul Ayed a considéré que les banques doivent développer leurs compétences internes et introduire le financement mezzanine. Dans la même logique, il a rappelé que l’introduction de ces procédures nécessite des changements réglementaires. La promotion des exportations tunisiennes passent aussi par le renforcement des structures d’appui comme le CEPEX, la COTUNACE et SOTUGAR qui souffrent de manque de moyens.
Jaloul Ayed a indiqué que souvent les investisseurs se plaignent de l’absence des représentations de banques tunisiennes en Afrique subsaharienne, alors qu’elles avaient des filiales en Afrique subsaharienne pendant les années 60 et les années 70. Seulement quelques unes se sont rendues compte de l’importance de la présence en Afrique. Pour investir en Afrique, les banques tunisiennes peuvent profiter des lignes de financement mises à leur disposition par les bailleurs de fonds internationaux comme la BAD, la BID, la SFI, la BEI et la BERD, continue-t-il.
Malgré la réussite d’un certain nombre d’entreprises tunisiennes par leurs investissements en Afrique, la Tunisie a pris du retard par rapport à d’autres pays comme le Maroc, «qui est devenu en 2017 champion d’Afrique de l’investissement à l’étranger avec cinq milliards de dollars, dans 22 projets investis hors de son territoire. A elle seule, Attijari bank a investi plus d’un million de dollars en expansion africaine. »
« L’essoufflement de nos réserves en devises et la complexité du système de change rendent la tâche encore plus ardue pour les nouveaux arrivants sur la scène africaine, particulièrement pour les PME. Mais malgré ces difficultés, les acteurs économiques tunisiens ne doivent pas baisser les bras, car il existe plusieurs types de financement alternatif qu’ils devraient explorer, à l’instar d’AfricInvest et d’Amen Bank qui a lancé en 2016 un fonds de 30 millions de dinars mis à la disposition des exportateurs tunisiens qui souhaitent exporter en Afrique », conclut-il.
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