Que penser du paysage politique en cette période d’incertitude sur un éventuel remaniement ministériel? Tout est flou et bien malin celui qui pourrait prétendre connaitre le résultat de ces tractations.
Myriam Boujbel, députée de l’Assemblée des représentants du peuple, souligne que la vie politique tunisienne est kidnappée par ceux qui préfèrent se servir plutôt que de servir. Elle précise: « Le constat est aussi clair que navrant: la crise politique que nous vivons fait son travail de sape sur un peuple qui a perdu toute confiance en ses gouvernants. Nous sommes un peuple qui a perdu confiance en lui -même. Sept ans après la révolution et nous en sommes à compter toujours plus de pauvres, toujours plus de chômeurs, de précaires, de déficits, de délits et de scandales, qu’ils soient financiers, fiscaux ou sanitaires… »
Elle pointe du doigt les dirigeants, qualifiés d’assoiffés de pouvoir. Elle ajoute dans ce contexte: « Ils ont constamment les yeux rivés sur les voyants rouges et verts des sondages d’opinion. Ils livrent ce que l’opinion publique leur demande. Or le temps politique n’est pas le temps médiatique, il ne répond pas aux mêmes impératifs, au même rythme et ne laisse pas la même empreinte. Il n’a pas non plus la même écrasante responsabilité. »
Et de poursuivre: « Notre paysage politique est très instable. Nous naviguons dans des eaux troubles sans aucune visibilité, ni à court ni à moyen terme. »
L’Accord de Carthage II
Evoquant la question de l’éviction du chef du gouvernement Youssef Chahed, Mme Boujbel a rappelé que dans un Etat qui serait de droit et garant des institutions, le premier accord de Carthage qui a fait émerger Youssef Chahed est tout aussi illégitime que la seconde version qui voudrait l’évincer. Elle souligne: « Ce qui se trame au palais de Carthage depuis deux ans est un hold-up de la démocratie. Nous sommes en train de piétiner notre transition démocratique déjà fragile. »
Les élections municipales
Et sur un retour quant aux résultats des élections municipales ayant conduit à un taux record d’abstentions enregistré, elle ajoute: « C’est un aveu d’échec pour toute la classe politique, cela l’est encore plus pour les partis Nidaa Tounes et Ennahdha. » Et de continuer: « A mon humble avis, les indépendants sont les grands gagnants de ces élections, ce qui laisse présager qu’il existe une nouvelle voie que les Tunisiens voudraient peut-être emprunter. Notre pays mérite une chance de se transformer et cette transformation ne pourrait se réaliser que sous l’impulsion d’une nouvelle génération, issue du champ de l’action associative, entrepreneuriale, locale, celui de la société civile. »
« Rien n’est jamais perdu », affirme-t-elle. Et elle finit par conclure: « Il faut pour cela faire ce pari que le tout est supérieur à la somme des parties et que des femmes et des hommes organisés et conduis par le même objectif, peuvent changer un quartier, une région, un pays ou le monde. Dès lors, il nous revient, à nous qui critiquons tout si facilement et avec tant de talent, d’arrêter de nous indigner, de nous émanciper et d’agir, à notre niveau et en responsabilité, car finalement, «la solution», il ne fait plus aucun doute que c’est nous, les citoyens. »