Amel Djait est la fondatrice du magazine de voyage de Tunisie Lifestyle Magazine (Juin/Décembre 2018), Edition Collector. Dans ce nouvel ouvrage 1001 Tunisie, Amel Djait nous fait partager l’intimité de cette Tunisie de l’Est à l’Ouest et du Nord au Sud. Mais contribue aussi à valoriser notre savoir et notre savoir-faire, bien souvent inconnu même des Tunisiens. Son édito évoque un recueil où notre Tunisie offre ce qu’elle a de mieux : “Humer un pays contenu dans une fiole en verre soufflé, c’est le rêve des voyageurs et des parfumeurs. Dans notre pays, ce parfum a un goût de Néroli! ”. Interview exclusive:
Pourquoi le choix du collector “Mille et une Tunisie”?
J’ai toujours eu ces deux passions? à savoir le tourisme et l’écriture. Mille et une Tunisie est un guide pour la Tunisie. Pour moi, chaque destination a à la fois son charme et son authenticité. Or, un pays se déguste? s’écoute, se découvre et se livre. Il suffit de s’en donner la peine parce que l’âme d’un pays se retrouve précisément en rencontrant ses acteurs et c’est un peu ce qu’a fait 1001 Tunisie à travers plus d’une dizaine d’années. Aujourd’hui, 1001 Tunisie constate que les frontières n’existent plus. Il faut être multicanal et c’est précisément dans la convergence de tous les médias qu’on arrive réellement à construire.
A travers ce collector, il y a tout cet art qui nous a permis de dire oui. Certes, nous avons avancé et travaillé en dépit des conditions assez délicates et fragiles par lesquelles passe notre pays. Une phase de transition démocratique assez délicate et qui va être longue. Or, l’ambition de ce collector est aussi de montrer que la Tunisie a avancé.
D’ailleurs, je me rappelle, il y a quatre ans, on espérait organiser un concours du terroir. Aujourd’hui, c’est devenu une réalité. Il y a quatre ans aussi, on espérait de voir des jeunes devenir des entrepreneurs de startup. Aujourd’hui, cette réalité existe. A titre d’exemple, les lunettes de soleil en bois Vacay qui veut dire » l’arbre » en vietnamien. L’idée est née, dans un jour de couvre-feu, par des jeunes. D’ailleurs, la marque se vend à l’international et rentre dans le top 5 des lunetiers dans le monde.
Ce magazine fait plaisir parce que c’est à la fois un recueil d’une attitude positive et d’énergie positive des entreprises qui ont leur place à l’échelle nationale et internationale.
Comment ne pas évoquer Sahbi Gorgi, l’architecte tunisien qui a fait de la rénovation des hôtels une de ses spécialités. Sachant que pour redonner une vie à une architecture, il faut savoir la réinventer, la redynamiser.
C’est vrai qu’on a tendance à parler de cette autre Tunisie, mais quelque part, je voudrai que ce magazine en soit une des vitrines, une destination touristique qui se reconstruit dans l’ère du temps. L’idée est de la matérialiser.
Entre voyage et gastronomie, quels sont vos meilleurs souvenirs? Qu’est ce qui vous a marqué à travers ces rencontres?
La passion des gens et leur générosité et puis ce qui me marque toujours, la beauté qui est en nous. En fait, la Tunisie ne se livre pas assez facilement. Notre pays peut paraître extrêmement facile à cerner, or il n’en est rien. Peut être qu’il faudrait mille et une vie pour découvrir les secrets de Tunisie.
Quand on se balade du côté du Kef, il faut aller au site de Hammam Mellegue. Quand on évoque Sfax, on pense au Musée Archéologique de Sfax, le troisième le plus ancien de Tunisie après le Bardo et le Musée de Sousse. Mais aussi à l’histoire de Samira Arous Oueslati, conservatrice du Musée Archéologique de Sfax. Dont le quotidien est fait de batailles pour valoriser un patrimoine peu connu et pour panser les blessures du temps subies par le musée. Et ce, en voyant des faisselles de mosaïque tomber des tableaux et qu’il fallait agir immédiatement.
Consciente des limites financières, elle décide d’agir en formant le petit personnel. Aujourd’hui, elle et son équipe sont en train de restaurer des mosaïques à quatre pattes, ils le font par passion pour sauver les pièces. A présent, le musée commence à rayonner sur son environnement et des ateliers de mosaïque sont organisés dans diverses écoles primaires de la ville. Et ce, afin d’initier les petits à cet art si précieux.
Pour moi, c’est ça la magie de ce pays. Même si on a beaucoup de frustrations car on peut être tellement mieux, mais ça ne saurait venir. Je reste optimiste et puis la bonne nouvelle, c’est que tout est à faire. Je me dis que si on était parfait, on s’ennuierait. Du coup, tout est à construire.
Quel bilan faites-vous du tourisme d’aujourd’hui?
Le tourisme est aujourd’hui un secteur clé de l’économie. Bien aménagé, il peut être tout à fait bénéfique à la destination en axant sur la durabilité qui promeut le développement du tourisme en associant les populations locales à la croissance économique et à la protection de l’environnement …
Avec une bonne planification, il mettra en avant toutes les ressources de notre pays et transformera son potentiel. Il est indéniable que participer à la conversion et la transformation d’un secteur prioritaire est vital pour l’économie et les emplois. Mais aussi pour l’ouverture et l’équilibre du pays. Le tourisme est un corollaire du développement pour la Tunisie.
Le secteur touristique est confronté à des problèmes structurels dont le tourisme de masse. Comment peut-on le rénover?
Le tourisme de masse est là indéniablement. Il faut toutefois assurer une certaine profitabilité, car il peut être non rentable. Il suffit de tirer l’épingle du jeu en y investissant. Le tourisme est un pilier de l’économie Tunisienne. C’est aussi et surtout un secteur qui peut mobiliser le plus les ressources du pays. Il lie le tunisien à son territoire et son identité et participe à construire son imaginaire. De fait, et même si on ne lui reconnaît que 6% de participation au PIB, le chiffre « officieux » de participation du tourisme au PIB serait de 13 %.
Le tourisme a subi de plein fouet la crise, et le désengagement et un désinvestissement exacerbé depuis le 14 janvier 2011. L’Etat et les institutions financières se sont détournés du secteur alors que les attentes des opérateurs et des régions défavorisées étaient énormes. La question touristique est une priorité. Le passage de l’hôtellerie au tourisme est une étape déterminante pour la pérennité de la destination au vu de la concurrence, de l’héritage existant, du potentiel non converti du secteur…
Ici, le propos est précisément de continuer à soutenir les initiatives, à les accompagner et soutenir les acteurs sur tous les fronts possibles. Ici, le propos est de savoir tirer parti de la reconstruction d’un secteur qui se développe au plan mondial. Il va sans dire que l’une des raisons majeures de notre engagement avec détermination et confiance est que nous disposons d’une expertise, d’un savoir-faire et surtout d’une jeunesse instruite et compétente pour réussir ce pari.
Avez-vous un coup de cœur pour un plat, une recette lorsque vous étiez en voyage?
Dans toutes les flâneries que j’ai faites, je peux vous dire aujourd’hui que si vous allez à Grombalia, il faut aller chez Am Tijani. Si vous allez à Gafsa, vous devez aller chez Abid. Si vous allez à Sfax, vous devez manger le Safoud au centre (West El Bled). A chaque fois, je repère l’endroit juste quelque soit sa catégorie pour ne pas passer à côté de l’essentiel, de la saveur de la ville ou de la région. Tout comme on ne peut pas passer à côté d’un Keftaji, après tout est dans la subtilité et tout est dans la magie du moment. D’ailleurs, je salue aussi la nouveauté, l’initiative des jeunes chefs de cuisine tunisiens qui ont proposé la nouvelle création le couscous “Mosaïque de Carthage”. C’est un nom tout trouvé par le Chef Mounir Arem à cette création. Tout aussi fier que le chef Bilel et le chef Taieb qui ne cessent de tronquer leurs tabliers pour préparer avec cette même fièvre enthousiaste, un couscous exceptionnel, avec un grain craquant, des parfums de réglisse et de badiane, une semoule nappée de bisque de crevette et fourrée d’une couche de Chriha de figue d’oignons confits et parsemée de légumes en julienne et de pointe d’amandes croquantes, le résultat ne pouvait que surprendre. Je me souviens aussi de ce que Mounir Arem a dit “ Finalement, cette Mosaïque, c’est nous! C’est cette force créatrice qui est en nous”. De ce fait, la morale de l’histoire est que pour pouvoir faire émerger un pays, il faut travailler ensemble.
Enfin, quelle est votre devise par rapport à 1001 Tunisie?
Pour ma devise! par rapport à 1001Tunisie! Je trouve que ceci résume bien ma démarche. « Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux ». Marcel Proust.