La série de nouvelles qui se sont succédé la semaine dernière montrent que la situation de l’économie tunisienne est en train d’empirer.
Deux problèmes graves et intimement liés sont en train de détruire, en silence, le pays : les taux d’intérêt et l’inflation.
Assèchement de la liquidité
Théoriquement, les banques adorent la pentification de la courbe des taux qui correspond à la hausse de l’écart entre les taux longs et ceux courts. Bien évidemment, cela créé également un risque de baisse de la valeur des titres de créances dans leurs bilans.
Mais en Tunisie, le bonheur des banques est plutôt dans l’aplatissement de cette courbe ! Dans un environnement où la liquidité est devenue rare, les établissements de crédit tentent de profiter de la situation en allouant le maximum de ressources à des investissements à très courts termes et rentables. Quant à la question des risques dans les bilans, elle n’existe pas dans la mesure où les titres de dettes sont intégrés avec leurs valeurs théoriques.
Et les conséquences ne sont que graves pour l’économie tunisienne. Depuis au moins six mois, l’Etat tente de collecter les ressources sur trois lignes de Bon de Trésor (2021, 2028 et 2032). Mais l’essentiel de l’offre était toujours allouée à l’échéance la plus courte.
Jeudi dernier, deux adjudications de BTA et de BTC ont été annoncées infructueuses. Se lancer sur le marché n’est plus évident, et il est plus cher aujourd’hui d’emprunter l’argent sur trois mois que sur quatre ans !
Cela touche également les obligations corporate. La BIAT, incontestablement la meilleure signature privée en Tunisie, a prolongé la durée de souscription à son émission en dépit des rendements alléchants qu’elle offre (8,25% ou TMM+2% sur 5 ans et 8,50% ou TMM+2,25% sur 7 ans).
L’économie tunisienne et une inflation galopante
Paradoxalement, le manque de liquidité n’a pas impacté les prix. En atteignant 7,8% fin juin 2018, l’inflation est désormais à des niveaux difficiles à maîtriser. Le problème est que la hausse provient essentiellement des produits alimentaires, les plus compliqués à faire baisser. Avec la levée progressive de la subvention des carburants, l’inflation va certainement dépasser prochainement le cap des 8%, ce qui signifie plus de pressions sociales.
D’ailleurs, la dernière décision concernant le prix du lait entre dans le cadre d’évitement de ces tensions. Dans un contexte où l’Etat cherche à diminuer les subventions, il vient de s’offrir 90 millions de dinars de charges supplémentaires ! Une décision qui n’a aucun sens économique. Il est évident qu’une décision allant dans l’autre sens allait donner un coup de pouce significatif à l’inflation, mais jusqu’à quand allons-nous supporter ces coûts ? Et in fine, qui va payer cette subvention ? Ce sont nous bien évidement mais sous une autre forme.
La lutte contre l’inflation semble se limiter actuellement à la hausse des taux, ce qui va rendre la courbe des rendements tunisienne un cas unique au monde ! Bien qu’elles soient théoriquement nécessaires, ces révisions successives sont loin d’apporter seules un remède. Si on va encore réviser le taux à la hausse, la courbe des taux va s’inverser davantage, et l’inflation va aussi s’aggraver. Un vrai cercle vicieux.
Quelle est donc la solution ? En réalité, aucune solution idéale n’existe. Néanmoins, nous pensons que le point de départ à toute réussite est unique : la maîtrise de la masse monétaire qui circule dans le pays et qui provient de l’économie souterraine. Vous l’avez donc compris. Dans le jargon tunisien, cela signifie qu’il n’y a pas de solution !