« Les brigands vous demandent la bourse ou la vie. Les femmes exigent les deux » (Samuel Butler, écrivain britannique)
Quand les femmes pensent, ce n’est pas toujours aux hommes…Quelle est, d’après vous, la plus belle des valeurs ? On dit sans conteste que c’est la fidélité, ce qui n’est pas faux. « Si vous n’aimez pas les chiens, vous n’êtes pas fidèle ; vous n’aimez pas qu’on vous soit fidèle, donc vous n’êtes pas fidèle », parole de Napoléon. J’ai eu un chien, et j’ai pu mesurer combien pouvait être précieuse une valeur perdue de vue chez les bipèdes que nous sommes. Aujourd’hui plus qu’hier.
Dans ce pays qui est le mien et qui est aussi le vôtre, on n’arrête pas de toucher le fond, alors que d’autres n’arrêtent pas de tutoyer la réussite. Qu’ont-ils de plus que nous ? Une dose d’imagination et un zeste de culot, sans doute. Etre fidèle et le rester. Equation difficile dans un pays qui a fait une révolution et qui a juré fidélité à la mémoire de ceux qui ont donné leur vie pour que triomphent d’autres valeurs non moins importantes, comme cette égalité pour tous, en droits comme en devoirs.
Où en sommes-nous par rapport à ces beaux principes ? De belles paroles qui résistent mal au choc de la réalité. Combien de fois a-t-on trahi cette belle vertu pour presque rien parfois ? Depuis huit longues années que tout le monde fait des infidélités à tout le monde ! A l’occasion de la fête de la République, Ennahdha s’est fendu d’un communiqué qui en dit long sur ses intentions futures…
Elles ont dû faire toutes les guerres, et ce n’est pas fini. Certains d’entre vous vont penser que je suis ringard, mais je trouve que les femmes tunisiennes en font trop, et dans les deux sens : soit, elles sont totalement libérées, et elles le font savoir haut et fort, et c’est leur droit, soit elles sont enchaînées à une vision passéiste, et là aussi, elles le font bruyamment savoir.
Dans les deux cas, c’est marche avec moi, ou crève. Autant vous le dire franchement : je n’aime aucun des deux modèles. Mais où est donc passé le juste milieu ?
A trop vouloir imposer sa singularité, on finit toujours par heurter les âmes les plus disposées et les plus bienveillantes. Comme on peut dire avec Simone de Beauvoir qu’on ne naît pas femme, mais qu’on le devient, il est tout aussi vrai que le combat pour l’émancipation des femmes dans un pays où les forces qui tirent vers l’arrière n’ont pas dit leur dernier mot reste à gagner ; comme il est également vrai qu’il faut savoir aller dans le sens de l’histoire comme on dit, et l’histoire présente nous enseigne que le passage en force n’est pas la meilleure des solutions.
Jamais, la position des femmes tunisiennes n’a été aussi fragile qu’en cette période trouble où tout indique que les vents ne sont pas en train de souffler dans la bonne direction. Des femmes qui insultent d’autres femmes en les traitant de tous les noms, pas du tout encourageant ; des femmes qui accusent d’autres femmes, qui pour avoir vendu leur corps, qui pour avoir vendu leur âme.
On peut remporter une bataille, mais pas la guerre, et encore une fois, ça balance et ça épingle des deux côtés ; trop de dispersion nuit. Pour ma part, je trouve hallucinant que des femmes en soient encore à défendre bec et ongles l’idée d’une femme infériorisée et diabolisée. Vous ne trouvez pas ? Qu’un camp se présente comme étant l’exemple même de l’avant-gardisme et milite pour conserver ses acquis voire les renforcer, rien à dire ; que le camp adverse fasse tout pour imposer sa vision des choses, là aussi, rien à ajouter, d’autant que c’est de bonne guerre, mais attention aux dérapages, dans un sens comme dans l’autre ; et sur ce que je suis en train de voir sur le terrain miné de la condition des femmes dans ce pays je peux vous dire que ce n’est pas le meilleur qui est à venir, Colibe ou pas Colibe !
Et ce n’est pas Bochra Bel Haj Hamida, présidente d’une structure voulue par le président de la République, qui viendra me contredire. Pas plus que le Pacte de la Tunisie pour l’égalité et les libertés individuelles, venu à la rescousse pour vendre un projet de réformes dont on savait dès sa sortie publique qu’il allait être sérieusement malmené, voire menacé.
Bourguiba, en son temps, a su forcer le destin en faisant preuve de courage et d’audace. Aujourd’hui, les temps ont bien changé. En ce qui me concerne, j’ai toujours pensé qu’entre modernisme outrancier et piété excessive, un savant dosage est toujours possible, si on veut éviter l’instrumentalisation à des fins politiques. On appelle cela clairvoyance.
En tout cas, quand on connaît toutes les superstitions qui entourent le chiffre 13, on peut imaginer qu’après soixante deux ans de bons et loyaux services, notre cher CSP national, que bon nombre de pays nous envient, n’est pas encore tiré d’affaire. A votre bonheur Mesdames tout de même !