Que retiendra-t-on de la fête de la femme célébrée lundi 13 août 2018 ? Sans doute des manifestations organisées par des portions de la société tunisienne. Et des débats houleux au niveau des réseaux sociaux qui se révèlent de plus en plus être un outil et un lieu de la discorde.
Il ne faut sans doute pas aller trop loin. Voilà ce que le célèbre dictionnaire français Larousse donne comme signification au mot fête : «Réjouissances publiques destinées à commémorer périodiquement un fait mémorable, un événement, un héros, etc.»
Journée de la femme : la fête ?
Or, les événements qui ont marqué, le 13 août 2018, la Journée nationale de la femme en Tunisie, ne ressemblent quasiment en rien à la fête et n’ont été en rien l’expression d’un événement que l’on présente toujours comme une révolution dans le monde arabo-musulman : la promulgation du Code du statut personnel. Il constitue quoi qu’on dise une distinction dans le monde arabo-musulman.
La commémoration de la fête de la femme a donné lieu effectivement à une guerre entre deux Tunisie qui s’opposent : l’une que l’on présente comme conservatrice, opposée au rapport de la Commission des Libertés Individuelles et de l’Egalité (Colibe), et l’autre que l’on dit progressiste et qui le défend.
Les deux parties n’ont pas manqué de faire, comme on dit, du bruit médiatique. Aux travers de l’organisation de marches (le samedi 11 août 2018 pour les anti-Rapport de la Colibe et le lundi 13 août 2018 pour les défenseurs du Rapport). Mais aussi d’une mobilisation tous azimuts et sans précédent sur les réseaux sociaux qui se révèlent de plus en plus être un outil et un lieu de la discorde.
« Les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs »
Un nouvel acteur, ces réseaux sociaux, qui tout en étant un outil d’échange, favorisent les avis les plus tranchés et opposent de ce fait les uns contre les autres. Avec souvent les excès que l’on a vu surgir dans les posts de certains facebookers ces derniers jours. Frisant l’insulte.
Le président de la République a sans doute essayé de calmer les passions des uns et des autres en coupant la poire en deux. Il a annoncé, dans son discours prononcé à l’occasion de la commémoration du 62ème anniversaire de la promulgation du Code du statut personnel, que les uns et les autres peuvent agir comme ils le souhaitent en matière d’égalité d’héritage, le point sans doute le plus sensible du rapport de la Colibe.
Soit appliquer les textes (le jour où l’égalité successorale sera votée) ou s’en tenir à la Chariaa par la conclusion sans doute d’un acte notarié. Mais, tout en défendant la nécessité d’une révision du Code du statut personnel en soi; et ce en vertu des dispositions de la Constitution de janvier 2014 qui établit que « les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination ».
En assurant que le référentiel de l’Etat est celui d’un « Etat civil ». La Constitution ne stipule-t-elle pas que « la Tunisie est un État civil, fondé sur la citoyenneté, la volonté du peuple et la primauté du droit »?
C’est du reste à l’Assemblée des représentants du Peuple (ARP) de statuer sur cette question d’égalité de l’héritage. N’est-il pas l’expression dans une démocratie de la volonté du peuple? Une expression que personne ne nie dans la classe politique dans son ensemble.
Cela n’est-il pas de bonne guerre ?
Cela fera-t-il taire pour autant ceux qui pensent le contraire ou se refusent à écouter, d’une manière générale, ce discours ? Beaucoup diront que cette querelle entre, pour ainsi dire, anciens et modernes est de bonne guerre. La Tunisie est divisée en deux portions sociétales. La première pense qu’il n’y a d’autre choix que celle qui consiste à emprunter la voie de la modernité et du progressisme. La seconde croit, par contre, que l’islam est la seule et unique solution.
Certes, mais à condition que cela n’aille pas plus le loin qu’un débat d’idées. Or, ce qui nous parvient comme échos de certains comportements –à ne pas généraliser- comme ceux survenus à Kalaa Seghira, ne peuvent que nous faire froid dans le dos.
Un débat organisé autour des propositions de la Colibe a été interrompu, le 12 août 2018, dans le local d’une association de la ville par des personnes qui ont refusé qu’il se tienne.