Les footballeurs tunisiens n’ont pas été lors du mondial russe au niveau des attentes. Peu importe. Nul besoin d’aller cependant vers une évaluation qui se fait attendre. Point de considération pour le public ni encore de nécessité de rendre des comptes. Il suffit de changer de staff technique.
«Non, rien de rien, non, je ne regrette rien. Ni le bien qu’on m’a fait, ni le mal. Tout ça m’est bien égal. Non, rien de rien, non, je ne regrette rien. C’est payé, balayé, oublié, je me fous du passé.»
Ces paroles de l’une des plus célèbres chansons d’Edith Piaf, écrites par Charles Dumont et Michel Vaucaire, pourraient aller comme un gant aux faits et gestes des décideurs de notre football qui ont tourné le dos à une évaluation combien nécessaire après la déconfiture de l’équipe tunisienne de football, à la dernière édition de la Coupe du monde de football (Russie 2018).
En effet, après que l’on a parlé un moment –et d’une manière assez rapide et sans trop insister- d’une évaluation du rendu de notre football au cours de la plus importante manifestation sportive mondiale, tout a été pratiquement oublié. Du moins une évaluation dans les règles de l’art qui établit un diagnostic et trace des actions pour que cela ne se reproduise pas.
Oublié ou presque donc l’évaluation de notre rendu footballistique dans cette Russie 2018. A moins en effet que cela n’ait été entrepris « en catimini ». Ce qui serait une erreur. La fronde et la colère suscitées par l’échec de la team national (deux défaites et une victoire sur la plus faible équipe du Mondial 2018) nécessitaient une action de communication qui aurait montré que les responsables sportifs sont à l’écoute des Tunisiens.
Football tunisien : ce n’est pas le nécessaire turnover
En lieu et place, on nous a simplement servi un changement de staff technique. Un changement qui n’a pas été du reste entier. Rien à voir avec les turnovers nécessaires en pareils cas. Le nouveau coach national, Faouzi Benzarti, n’a changé que partiellement l’équipe qui l’entoure. Il a gardé certains des membres de l’équipe de son prédécesseur Nabil Maaloul. Et sans qu’il nous dise pourquoi.
Ce qui n’est pas du reste nouveau. Evaluer n’est pas dans nos coutumes managériales. Cela fait des années que l’on nous le Fait. Et rebelote. Halima revient à ses anciennes habitudes, nous dit un proverbe largement connu.
Pourquoi ? Les explications sont simples. Le vécu du management sportif tunisien, et celui du management dans le pays en général, permettraient d’établir au travers d’actes et de déclarations répétitifs une sorte d’atavisme qui a la peau dure. Qui ne pourrait que favoriser une grille d’analyse.
Les explications pourraient aller dans deux directions. La première ? Un manque de considération pour l’autre. Un terme qui signifie absence d’égard et d’estime. Le public sportif compte, pour ainsi dire, pour du beurre.
Très vite oubliés les quelque 15 000 à 20 000 tunisiens qui ont fait le déplacement de Moscou pour encourager l’équipe tunisienne et dont certains ont fondu en larmes après notamment la défaite face à la Belgique (5-2).
A-t-on tiré les leçons nécessaires ?
De toute manière pourquoi évaluer tant que l’évaluation est synonyme d’une remise en cause. Voir –et sans doute surtout- d’un développement d’un flux de critiques. Va-t-on laisser, à ce propos, le champ libre à certains « Nabaraa », une sorte de personnes qui ne savent que détruire, nuire, démolir, dévaster,… ?
Autant donc laisser les choses en l’état. D’autant plus que l’on sait à l’intérieur de soi-même que l’on se refuse l’effort, que l’on manque d’initiative et d’ambition, que l’on n’est pas toujours habité par cette culture de la performance et de l’efficacité.
La seconde ? L’absence de ce que les anglo-saxons appellent l’« accountability ». Une notion qui est au centre du management moderne et qui signifie que l’on se doit d’être comptable de ses actes. Une « accountability » enracinée dans les esprits et les pratiques et qui considère qu’il y a une obligation de rendre des comptes comme un contrôle et une évaluation des agents organisationnels (Voir à ce sujet « Corporate Governance, Accountability and Enterprise » de H. Short, K. Keasey, A. Hull et M. Wright, 2002, lien : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/1467-8683.00100).
Évidemment certains pourront penser que ces pistes de réflexion sont le fruit d’un pédantisme d’intellectuels ou encore qu’il s’agit là de notions qui ne vont pas avec notre vécu, notamment culturel.
Mais la réalité est là, têtue : deux mois après la déconvenue de l’équipe tunisienne de football, qui pourrait être suivie d’autres, on n’a pas tiré les leçons qu’il faut pour éviter d’autres déconvenues. Sans doute compte-t-on ici et là sur l’oubli ! De toute manière le Championnat national de football reprend le 18 août 2018 et avec lui nos querelles entre supporters et dirigeants.
Comme tout le monde a déjà les yeux rivés sur ce que feront nos footballeurs dans les championnats arabes et africains qui s’offrent à nous. Sans trop regarder un passé pourtant si proche où nous avons remarqué que des générations, et de l’avis de nos techniciens, nous séparent de l’élite mondiale.
Autant dire que nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge du football mondial.