Khaled Sdiri, expert en sécurité sociale et l’auteur du livre Analyse économique et pilotage des régimes de la retraite, apporte son éclairage sur la possibilité de taxer les banques pour le sauvetage des régimes de retraite.
Cette question semble être légitime pour deux raisons. La première est relative à la situation critique des caisses sociales. Et la deuxième raison a trait au concours des banques au financement de l’économie. Toutefois, cette idée n’est pas nouvelle. En effet, au mois de juillet 2018, le gouvernement espagnol a décidé de taxer les banques pour financer les pensions des retraités. Le chef du gouvernement espagnol a pris cette décision à cause d’un déficit cruel des caisses sociales espagnoles.
Interpellé par leconomistemaghrebin.com sur la possibilité d’appliquer cette mesure en Tunisie, Khaled Sdiri a rappelé que le système de retraite actuel en Tunisie est financé par les cotisations des employeurs et des employés. Et ce, aussi bien dans le secteur privé que public. Malheureusement, avec le temps, on s’est rendu compte que ce système de financement classique avait atteint ses limites. Il était devenu incapable d’assurer la pérennité et la durabilité du régime de retraite.
La crise économique actuelle vient compliquer la situation des caisses de sécurité sociale, soutient Khaled Sdiri. La majorité des décisions prises par le gouvernement a des répercussions négatives sur les ressources financières de la CNRPS. A l’instar de l’arrêt des recrutements dans le secteur public qui a pour conséquence le non-remplacement de chaque fonctionnaire qui part à la retraite.
Vers la diversification des sources de financement
Le gouvernement s’est rendu compte de la nécessité de diversifier les sources de financement de la CNRPS et la CNSS pour assurer leur pérennité. Et dans ce cadre, la contribution sociale de solidarité (1% déductible du salaire) s’est imposée comme une solution. Cependant, pour lui, cette décision à elle seule n’est pas capable de combler le déficit des caisses sociales. Dans ce contexte, il a rappelé que d’autres pays ont pu diversifier leurs sources de financement. En France, à tire d’exemple, les régimes excédentaires volent au secours des régimes déficitaires.
Revenant sur la possibilité de recourir aux banques pour soutenir les régimes de retraite, il a considéré qu’il s’agit d’une solution envisageable. Les banques sont des moteurs de l’économie et doivent rester compétitives. Elles doivent assumer leur rôle national en matière de financement de l’économie.
Khaled Sdiri favorable à l’implication des banques pour le sauvetage des régimes de retraite
« Les banques tunisiennes sont incapables de jouer leur rôle dans le financement de l’économie tunisienne. D’après une étude menée par l’Institut tunisien des études stratégiques, leur contribution au financement de l’économie reste en deçà des moyennes enregistrées dans des pays similaires comme le Maroc et la Jordanie », dit-il. Il se réfère en cela à une étude menée par l’ITES en 2017.
Ce constat est justifié par la multiplication des risques, tels le risque de crédit, le risque de blanchiment d’argent et le risque de taux de change. « Tous ces paramètres ont entravé les banques », regrette-t-il. « Ainsi le secteur a besoin d’innovation, afin de s’aligner aux normes internationales en matière de gouvernance », considère notre interlocuteur.
» Recourir aux banques pour renflouer les caisses sociales et régimes de retraite est une bonne solution. Cependant, la question du timing reste posée», affirme Khaled Sdiri.
Le spécialiste a estimé que si le gouvernement tunisien impose cette taxe aux banques, elles peuvent dans ce cas alourdir les frais et/ou les taux de remboursement des crédits à la clientèle. « Et dans ce cas, l’accès au crédit deviendrait moins aisé à tous les salariés « , conclut-il.