Le monde d’aujourd’hui avance à toute vitesse. La révolution technologique telle que l’intelligence artificielle prend de plus en plus de l’ampleur. La question essentielle est de savoir si nous sommes dans l’ère de notre temps.
« Data Science to unlock and boost economic development in Tunisia » est l’événement qui aura lieu à l’UTICA le 20 Décembre. Une demi-journée durant les cofondateurs de MajestEYE – Dr. Rabie Saidi et Jihed Hannachi dressent un état des lieux des données réelles de « Data Science ». Interview.
En quoi consiste la technologie développée par MajestEYE (Technologie basée sur l’Intelligence Artificielle)? Quel est son impact?
MajestEYE a été fondée par deux professionnels aux profils complémentaires, Business et Data Science. Ils partagent la même vision innovante du rôle des données à l’ère digitale et de la finalité d’une approche orientée données dans tous les domaines.
La technologie que nous avons développée est le reflet de cette vision et consiste en une solution d’analyse prédictive. Elle a la particularité, en plus des prédictions, d’extraire toute la connaissance consignée dans les données, aussi complexe ces données soient-elles. Et qui plus est, elle présente cette connaissance sous une forme compréhensible et digérable par un humain ou une machine. Notre approche est révolutionnaire dans le sens où nous considérons les données comme un levier de découverte de nouvelles connaissances, pas simplement un moyen de faire des prédictions.
L’impact de notre innovation est de taille : nous considérons l’Intelligence Artificielle comme un amplificateur de la connaissance des humains, pas comme un remplacement de ceux-ci. La valeur des données pour nous réside dans la connaissance et notre solution permet d’extraire celle-ci de manière exhaustive.
L’Intelligence Artificielle, quel en est l’impact sur l’avenir sachant qu’elle est plus poussée aux USA et en Europe qu’en Tunisie ?
L’Intelligence Artificielle est un levier formidable de la connaissance humaine. Beaucoup de faiseurs d’opinions politiques, académiques et du monde des affaires nous présentent l’IA comme une menace à l’emploi. Ce risque existe certes si l’on utilise l’IA comme un moyen d’automatisation des tâches physiques ou cognitives – ce qui est en partie vrai. Ce qui est vrai aussi c’est que l’IA nous permet de découvrir des connaissances nouvelles. Cela ouvre des opportunités nouvelles, de nouveaux horizons pour l’humain. A tire d’exemple, l’IA peut faire un diagnostic comme un médecin le ferait. Toutefois, elle peut surtout nous permettre de découvrir plus vite et mieux les causes des maladies et nous aider à les prévenir. Il va sans dire que son impact dans ce cas précis est pour l’humanité d’une importance primordiale.
Cela étant dit, les Etats-Unis, et plutôt la Chine, ont pris de l’avance dans ce domaine sur le reste du monde mais cette avance est rattrapable si l’on se met sans tarder à l’IA. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle plusieurs pays comme les Pays-Bas, la Grande Bretagne, l’Allemagne ou encore les Emirat-Arabes Unis ont développé une stratégie nationale autour de l’IA ou sont déjà en train de mettre en place une telle stratégie. Au Canada, la stratégie a été mise en place et commence déjà à porter ses fruits sur le plan économique. Le Canada est aujourd’hui un des leaders mondiaux en IA.
Quels sont les ingrédients pour le développement d’un nouveau modèle économique digitalisé qui puisse relancer l’économie du pays? Quelles sont les mesures à mettre en place?
L’économie digitalisée suscite chez nous le terme de société automatique – notion évoquée par Bernard Stiegler dans son ouvrage homonyme. Elle ne ressemble en rien au monde que nous voudrions voir ressurgir. A ce terme nous préférons l’économie de la connaissance.
Il y a trois ingrédients principaux pour le passage à une économie de la connaissance.
Les données, l’écosystème et le courage, aussi bien des politiques que des acteurs économiques.
D’abord les données ; elles sont l’une des principales sources de connaissance dans notre ère, si ce n’est la principale. Il nous faut considérer les données comme une ressource économique et faire en sorte qu’elle soit FAIR (Findable, Accessible, Interoperable, Reusable). Alors que le pétrole une fois extrait, transformé et raffiné n’est consommable qu’une seule fois. La donnée est une ressource « renouvelable » par excellence et peut être enrichie et utilisée indéfiniment pour découvrir de nouvelles connaissances. Nous devons faire en sorte que les données soient FAIR. C’est le seul moyen pour qu’un écosystème d’innovation puisse émerger et relancer une nouvelle ère de développement économique.
L’écosystème ensuite donc. La disponibilité de données FAIR va stimuler l’émergence d’un écosystème qui essaiera de valoriser celles-ci. Il faut faire en sorte qu’il ait les moyens de son essor cet écosystème. Il ne s’agit pas uniquement de financement, il s’agit surtout de lui donner les moyens techniques (capacité de calcul et connectivité à des prix accessibles, en plus de données FAIR). Mais, en plus des projets d’envergure pour le pays (combattre l’évasion fiscale, par exemple ou améliorer la santé des Tunisiens).
Le courage enfin. Sans courage on ratera cette révolution qui émerge, comme on a raté celle de l’industrialisation. Il faut que nos politiques osent mettre à profit les données et miser sur notre propre écosystème pour l’aider à transformer l’administration et à innover. Il faut que les acteurs privés s’y mettent en finançant et en couvant cet écosystème émergent.
Comment voyez-vous l’ère digitale en Tunisie?
Nous sommes éminemment positifs. C’est clair qu’il y a de nos jours une inertie affligeante mais nous persistons à croire qu’on va finir par nous rendre à l’évidence.
Nous avons un atout considérable à savoir que ce qui constituait un retard en termes de recours à la technologie de l’information devient un ancrage qui retarde les pays dits développés. Nous avons donc plus d’agilité puisque nous passons directement du papier au digital, pour faire simple.
Par contre, il nous faut nous débarrasser de nos ancrages à nous et notamment celui de la loi 72 qui nous attache à un modèle d’attractivité basé sur les avantages fiscaux et financiers et les ressources humaines. La loi 72 était révolutionnaire en 1972. Elle ne l’est plus en 2018. On y fait référence même avec Le Start-up Act qu’on surnomme ‘une nouvelle loi 72’.
Il nous faut une véritable rupture de nos succès et échecs passés.
La digitalisation permettra-t-elle l’échange et l’analyse automatisée de l’information, et ce, dans l’objectif d’améliorer la qualité ? Sommes-nous sur la bonne voie?
La technologie disponible maintenant le permet mais ce qui fait défaut c’est une donnée FAIR. Nous ne sommes pas encore sur la bonne voie et je le prouve à travers deux exemples concrets.
Le premier c’est lorsqu’on a voulu digitaliser l’échange d’information fisc-contribuable : on a inventé un nouveau format que jusque-là seule l’administration fiscale comprend et peut utiliser. Ce qu’il faut faire c’est utiliser un format simple, répondant aux critères FAIR. Ça aurait fait gagner du temps à l’administration fiscale et de l’énergie aux contribuables entreprises.
Le second c’est lorsque on a voulu créer une nouvelle base pour les entreprises alors que le pays dispose de quatre bases : une à la BCT, une au Registre Central du Commerce, une à l’INS en plus de celle dont dispose le fisc. Il ne s’agit pas de créer une nouvelle base mais de faire en sorte que celles existantes sont FAIR et synchronisées / combinées aussi bien en termes de stock qu’en termes de flux. Encore une fois, une source de connaissance que l’on cloisonne et que l’on sous-exploite ne fait pas l’affaire. Ce n’est pas ce que nous appelons être sur la bonne voie mais voilà que nous proposons une alternative constructive.