Le projet Lemma, en partenariat avec l’OCDE, a présenté aujourd’hui une étude inédite sur les « Talents à l’étranger : une revue des émigrés tunisiens ». L’étude s’inscrit dans une série de publications de l’OCDE. Elle a été commandée par Expertise France dans le cadre du projet Lemma, financé par la Commission européenne et cofinancé par la Belgique, la France, l’Italie, la Pologne, le Portugal et la Suède.
Combien y a-t-il d’émigrés, et où se trouvent-ils ? Comment leur nombre évolue-t-il ? Sont-ils en âge de travailler, et quel est leur niveau d’éducation ? Dans quelle mesure participent-ils au marché du travail du pays d’accueil et quelles professions occupent-ils ? Quelle est leur motivation pour émigrer, et quels sont ceux qui reviennent ? Comment contribuent-ils au développement économique de la Tunisie ?
Effectifs et lieux de résidence des immigrés tunisiens
Entre 2000/2001 et 2015/2016, le nombre des émigrés tunisiens dans les pays de l’OCDE a augmenté de 145 000 pour atteindre 630 000 personnes, ce qui représentait 97 % de tous les émigrés tunisiens résidant dans le monde. La majeure partie de cette croissance (plus de 50 000 personnes) a eu lieu entre 2010/2011 et 2015/2016. La composition de la diaspora tunisienne n’a guère changé au cours des dernières années : la proportion de femmes a légèrement diminué à 43 % et un processus de vieillissement est observé chez les émigrés, mais 76 % d’entre eux sont encore en âge de travailler. Les pays européens de l’OCDE représentaient 91 % de tous les émigrés tunisiens dans les pays de l’OCDE en 2015/16, et 83 % résidaient en France, en Italie ou en Allemagne. La croissance de l’effectif était particulièrement élevée en Italie et au Canada, en grande partie attribuable aux jeunes et aux nouveaux émigrés. La plupart des émigrés tunisiens sont citoyens de leur pays d’accueil et les acquisitions de nationalité en Italie et au Canada ont récemment fortement augmenté, alors qu’elles ont diminué en France. L’effectif des enfants d’émigrés tunisiens dans les pays de l’UE avoisine les 500 000, et la majorité d’entre eux ont encore moins de 35 ans.
Tendances récentes de l’immigration tunisienne
Alors que les flux migratoires de la Tunisie vers les pays de l’OCDE ont connu une augmentation soudaine lors du soulèvement de 2010-11, ils ont plutôt stagné ces dernières années. Toutefois, à plus long terme, les flux tunisiens ont crû plus rapidement que ceux en provenance des pays voisins.
Bien que les flux vers l’Italie aient récemment décliné, l’émigration vers la France continue d’augmenter régulièrement. Les migrations de la Tunisie vers les pays de l’OCDE restent dominées par des flux familiaux, mais les migrations pour motif professionnel augmentent depuis quelques années. Les flux d’étudiants vers les pays européens de l’OCDE ont quant à eux doublé depuis 2008. De manière générale, les émigrés tunisiens récents sont majoritairement jeunes et qualifiés, une composition socio-démographique qui se retrouve également dans les intentions d’émigration, qui sont particulièrement élevées parmi les jeunes. La question des opportunités d’emploi est le principal motif poussant les Tunisiens à exprimer le souhait de quitter leur pays.
Caractéristiques socio-démographiques
Le niveau d’éducation de la diaspora tunisienne dans les pays de l’OCDE est en moyenne relativement faible. Bien que dans l’ensemble des pays de l’OCDE, 47 % des émigrés tunisiens aient un niveau d’éducation faible, ces émigrés tunisiens peu diplômés se concentrent en réalité dans quelques pays européens de l’OCDE.
Les deux principaux pays d’accueil de cette diaspora, la France et l’Italie, sont en effet les deux pays dans lesquels se concentrent ces émigrés tunisiens ayant un faible niveau d’éducation.
À l’inverse, Israël, la Suisse, les États-Unis ou le Canada attirent ou ont attiré proportionnellement plus les émigrés tunisiens (nés en Tunisie et ayant la nationalité du pays d’accueil) ayant un niveau d’éducation élevé. La tendance récente d’élévation moyenne du niveau d’éducation des émigrés tunisiens concerne les femmes plus que les hommes.
Dans les pays de l’OCDE, les descendants d’émigrés tunisiens sont plus diplômés que les émigrés tunisiens et que l’ensemble des personnes nées dans le pays. Enfin, la diaspora tunisienne se caractérise par une intégration dans les sociétés d’accueil assez réussie. La diaspora tunisienne adopte, en effet, assez fréquemment leurs normes démographiques, en particulier pour les descendants d’émigrés. Toutefois, la volonté de quitter le pays d’accueil peut être relativement élevée, comme c’est le cas en France.
Situation des immigrés tunisiens sur le marché du travail
L’intégration dans le marché du travail des émigrés tunisiens dans les pays de l’OCDE est dans l’ensemble difficile, mais de nombreuses améliorations peuvent nuancer ce constat. Le taux de chômage des émigrés tunisiens est relativement élevé, et leur taux d’emploi relativement faible. Néanmoins, la participation des émigrés tunisiens au marché du travail dans les pays de l’OCDE s’accroît. En particulier, cette augmentation est tirée par la hausse de la participation des femmes au marché du travail. Les situations des émigrés tunisiens sur le marché du travail sont hétérogènes selon les pays d’accueil : en Amérique du Nord ou encore en Suisse, les émigrés tunisiens ne rencontrent pas de difficultés sur le marché du travail, tandis que dans leurs principaux pays de destination européens (France, Italie ou Belgique), ils ont des taux d’emploi relativement bas et des taux de chômage relativement élevés. Toutefois, les émigrés tunisiens diplômés du supérieur ne rencontrent pas de difficultés supplémentaires à valoriser leurs diplômes par rapport aux personnes nées dans le pays. Ce résultat suggère une assez faible prévalence de la discrimination envers les émigrés tunisiens diplômés du supérieur, de même qu’une relative efficacité des accords de reconnaissances des diplômes tunisiens à l’étranger.
Migrations de retour et contributions économiques
Au total, on peut estimer que l’effectif total des migrants de retour âgés de 15 ans et plus résidant en Tunisie en 2014 était de l’ordre de 60 000, dont 20 000 revenus après 2009. Deux tiers d’entre eux résidaient auparavant dans un pays de l’OCDE. Bien que le retour soit souvent motivé par des raisons familiales, l’emploi est également un motif clé du retour, et l’absence d’opportunités d’emploi en Tunisie peut constituer un obstacle majeur à la réinstallation dans le pays. À leur retour, les émigrés tunisiens contribuent à l’économie de la Tunisie au travers de leur insertion sur le marché du travail. Ils occupent souvent des emplois complémentaires de ceux occupés par les non migrants. Les migrants de retour hautement qualifiés jouent à ce titre un rôle clé et il est indispensable de valoriser au mieux leurs compétences. Les migrants de retour, mais aussi les émigrés tunisiens résidant encore à l’étranger, contribuent également au développement économique de la Tunisie à travers leurs transferts de fonds, la création d’entreprises ou les investissements qui sont des moteurs clés de la création de nouveaux emplois.