Dans le cadre des « Rendez-vous d’Amilcar », l’Institut Tunisien des Etudes Stratégiques (ITES) vient de formuler un ensemble de recommandations pour faire face à l’impact de l’endettement public sur les équilibres financiers de l’Etat.
L’ITES a aussi dressé un état des lieux de l’endettement public et a analysé les perspectives de son évolution.
La tendance haussière de l’endettement public qui s’explique, selon l’ITES, par la situation de certains secteurs clés sinistrés de l’économie tunisienne ainsi que celle du déficit des entreprises publiques dénote la gravité de la situation.
Et d’ajouter que la hausse de l’endettement public s’explique aussi par la conduite, pendant les années 2012/2013 et 2015/2016, d’une politique de relance sans se soucier des effets de cette politique sur les équilibres financiers.
Endettement public : une crise systémique à court terme !
Cette situation ne laisse augurer qu’un retour très progressif à des conditions économiques plus normales, associé à une certaine atonie des recettes fiscales et à des difficultés à réduire les dépenses publiques.
Les déficits publics constituent sans doute aujourd’hui un frein au rétablissement de l’économie tunisienne. Toutefois, il ne faut pas attendre du seul retour de la croissance la restauration automatique des finances publiques.
La période qui s’ouvre appelle à une réorientation, en profondeur, de la stratégie de la Tunisie en matière de finances publiques. Il s’agit de conduire des politiques budgétaires qui contribuent à stabiliser la conjoncture économique tout en préservant les intérêts des générations futures.
S’agissant des perspectives d’évolution de l’endettement public, l’ITES a souligné que la poursuite du modèle actuel, avec l’absence de programmation de développement comme cadre de référence aux politiques budgétaires, l’absence d’étude d’impact des décisions publiques, le calcul des budgets sur la base des exercices précédents et non d’une évaluation objective des besoins sociaux, le renflouement des entreprises publiques structurellement déficitaires et insolvables implique une crise systémique à court terme.
Recommandations critiques
Entamer une étude sur la stratégie financière nationale
Si la dette est insoutenable lorsqu’elle menace la solvabilité, quel est le seuil critique ? Il faut ainsi mobiliser les institutions de statistiques (CEA, ITCEQ, INS) voire lancer un débat national. Il est nécessaire d’introduire un cadre budgétaire pluriannuel dans l’esprit de la loi de programmation des finances publiques, mais plus détaillé, qui soit cohérent avec la règle et la mette en œuvre, ainsi qu’une obligation constitutionnelle pour le gouvernement à adhérer à ce cadre.
Réformer la gestion du budget de l’Etat
Ramener la dette publique au-dessous de 60 % du PIB implique un effort majeur d’assainissement budgétaire. Un tel effort d’assainissement nécessite des excédents du solde primaire des administrations publiques. Sachant qu’une augmentation du taux d’intérêt effectif engendrerait à long terme des coûts budgétaires supplémentaires.
Si les variables de maîtrise de la dette sont : le taux d’intérêt des emprunts extérieurs, le solde primaire, le taux de croissance, et le taux d’intérêt réel, alors la stabilisation de l’endettement (dans un contexte où 50% de l’économie est informelle, 50% des contribuables sont en défaut, et le taux de couverture du contrôle fiscal est de 1%) passe par l’amélioration de la croissance et l’excédent primaire (faibles dépenses et fortes recettes). Cela implique une programmation sur trois ans avec objectifs précis, que la loi de finances interprète annuellement.
Restructurer la dette pour privilégier l’emprunt intérieur
Au-delà de la réduction de la dette en deçà de 90% du PIB, (pour limiter la captation de l’épargne par l’Etat, favoriser l’investissement privé – plus rentable – et la croissance), l’Etat doit pouvoir emprunter à la BCT (fort taux des BTA). Et réduire les dispositifs fiscaux (800 en trois ans).
Améliorer l’efficacité du secteur public
Outre la stabilisation de la masse salariale publique, les dépenses de l’État pourraient être réduites en améliorant l’efficacité du secteur public. La Tunisie a l’un des secteurs publics les plus larges si l’on se fonde sur les dépenses des administrations publiques en pourcentage du PIB, et sur la part de l’emploi des administrations publiques dans la population active. Pourtant, l’efficacité perçue du secteur public, mesurée par l’Indicateur mondial de gouvernance de la Banque mondiale, est faible. : parmi les grands pays industrialisés de l’OCDE, seuls les États-Unis, l’Italie et le Japon obtiennent de moins bons résultats. Les gouvernements français successifs, reconnaissant les amples possibilités d’amélioration de l’efficacité du secteur public, ont lancé deux initiatives majeures pour remédier à ce problème : la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et la RGPP.
Créer un organisme de gestion de la dette publique
Au-delà de l’optimisation de la gestion des sorties (limitant le credit crunch) cette institution doit communiquer au public l’impact des décisions financières.
Privatiser partiellement les entreprises publiques
L’Etat doit restructurer et privatiser partiellement les services déficitaires et non stratégiques (pour limiter le déficit et apporter des liquidités, à l’instar de la régie des tabacs – monopole concurrencé – aussi la LF 2019 prévoit la création d’une banque des régions,…), puis octroyer des licences à des concurrents. Les PPP sont une « dette cachée ». Le projet a lieu sans investissements publics. Il implique un suivi et un contrôle. En fait l’Etat stratège limite l’Etat au premier maillon de la chaîne : planification, exécution, commercialisation, exploitation.