Au début de son mandat, la décision de Donald Trump d’appliquer à l’Union européenne, au Canada et au Mexique des mesures douanières sur l’acier et l’aluminium avait réveillé le spectre d’une guerre commerciale.
La stratégie américaine de mise sous tension
Si début décembre, les Etats-Unis et la Chine ont annoncé une « pause » de trois mois pour se donner le temps de conclure un accord commercial après une guerre douanière (initiée par le président Trump), les relèvements mutuels de droits de douane avaient affecté les échanges commerciaux entre les deux premières puissances mondiales.
Aujourd’hui, la volonté du président américain de taxer l’automobile allemande nourrit à nouveau un spectre qu’on pensait relativement dépassé. L’Administration américaine pourrait en effet décider de qualifier le secteur automobile européen de « menace à la sécurité nationale », ce qui aurait pour conséquence l’instauration de tarifs douaniers de l’ordre de 25%… Or, il n’existe pas encore de front véritablement uni en Europe face aux attaques de Trump, car l’enjeu commercial varie considérablement d’un pays à l’autre. Le cœur des inquiétudes outre-Rhin se focalisent naturellement sur la question de l’industrie automobile, qui est dans le collimateur de l’Administration américaine.
Quelle réaction européenne ?
C’est à partir de cette tension que la stratégie européenne du président Macron s’est construite. Outre le choix de placer la (gouvernance repensée de la) « zone euro » au cœur de la reconstruction européenne, sa réflexion est fondée sur l’idée de « souveraineté européenne », telle qu’explicitée dans son fameux discours à la Sorbonne, le 26 septembre 2017 : « Nos défis ne sont plus à l’échelle des nations », parce que « la souveraineté véritable doit se construire dans et par l’Europe ! Celle dans laquelle nous croyons ! La souveraineté que nous voulons, c’est celle qui consiste précisément à conjuguer nos forces pour bâtir ensemble une puissance européenne. » Cette « souveraineté européenne nous permettra de nous défendre et d’exister. »
Autrement dit, il ne s’agit nullement de reconnaître la qualité de souverain – et donc d’État – à l’Union européenne (un statut qui remettrait en cause la souveraineté des États membres eux-mêmes), mais de mieux combiner les souverainetés/puissances nationales pour assurer une indépendance et une protection communes.
La question se pose de confier les missions régaliennes traditionnellement reconnues aux États-nations à une « Europe puissance. »
Lorsque le président Macron déclare, toujours à la Sorbonne, que « l’Europe seule peut nous donner une capacité d’action dans le monde, face aux grands défis contemporains. L’Europe seule peut, en un mot, assurer une souveraineté réelle, c’est-à-dire notre capacité à exister dans le monde actuel pour y défendre nos valeurs et nos intérêts », l’idée est claire : affirmer la puissance de l’Europe pour renforcer la puissance de l’État et mieux protéger ainsi les nations.
L’Europe puissance est une Europe protectrice. C’est aussi cette conception de la « souveraineté multi-niveaux » qui a été défendue dans le cadre des cérémonies du 11 novembre, par les présidents français et allemand qui s’étaient réunis au sommet du Hartmannswillerkopf pour l’inauguration d’un musée historique sur la guerre de 14-18.
La souveraineté européenne, si la notion doit véritablement prendre corps un jour, passera par la mise au point d’un modèle de développement viable. Les déséquilibres commerciaux entretiennent, de plus, un lien étroit avec la remise en cause politique qui traverse l’Europe.
La réorientation vers un modèle centré sur la montée en gamme technologique permettrait, entre autres, de sortir de l’impasse liée au face-à-face stérile entre statu quo et populisme.