La fin de l’année 2018 a coïncidé avec la naissance officielle des établissements de paiement (EP) en Tunisie.
La Banque Centrale de Tunisie (BCT) vient de promulguer les règles régissant l’activité et le fonctionnement de ce nouveau venu.
Un champ d’actions réduit
Il faut d’abord comprendre qu’un EP est loin d’être comparé à un établissement de crédit. Il ne peut effectuer que quelques opérations de banque strictement définies par le régulateur.
Les EP sont autorisés à réaliser des opérations simples de paiement, prélèvement, versement et virement. Ils peuvent également distribuer des produits et des services bancaires incluant les cartes de paiement, les moyens de monnaie électronique prépayés émis par les banques et la Poste tunisienne. Les EP peuvent procéder, accessoirement, à des activités de change manuel. L’ensemble de ces services doivent être fournis exclusivement en dinar tunisien et à l’intérieur de la Tunisie. Néanmoins, les EP peuvent effectuer des opérations de réception de fonds en provenance de l’étranger par voie de virement et leur mise à disposition au profit de leur clientèle à condition d’obtenir la qualité d’intermédiaire agréé conformément à la réglementation des changes en vigueur.
En contrepartie à ce champ d’actions réduit, les EP ont peu d’exigences en matière de fonds propres. Il leur suffit alors de contracter une assurance de responsabilité civile professionnelle ou une garantie bancaire couvrant leur responsabilité. Le montant de cette couverture est fonction du profil de risque de l’EP, le type d’activité et services fournis et le volume d’activité.
Le débit n’est pas autorisé
Les EP n’ont pas une marge de créativité. Ils n’ont le droit d’ouvrir que trois types de comptes de paiement :
- Compte niveau 1 : le solde de ce compte est plafonné à 500 dinars sans toutefois que le montant global des sorties de fonds à partir du compte de paiement ne dépasse 250 dinars par jour.
- Compte niveau 2 : le solde de ce compte est plafonné à 1 000 dinars sans toutefois que le montant global des sorties de fonds à partir du compte de paiement ne dépasse 500 dinars par jour.
- Compte niveau 3 : le solde de ce compte est plafonné à 5 000 dinars sans toutefois que le montant global des sorties de fonds à partir du compte de paiement ne dépasse 1 000 dinars par jour.
L‘ouverture des comptes de niveau 1 et 2 ne nécessite pas la présence physique du client et peut être assurée par une plateforme électronique. Toutefois, il est strictement interdit à un EP d’ouvrir plus d’un seul compte pour une même personne physique ou morale, d’accorder facilités de crédits, de permettre l’alimentation d’un compte par des unités de recharge téléphoniques ou par toute autre monnaie autre qu’une monnaie centrale et d’autoriser une position débitrice.
Un réseau de distribution dédié
Pour distribuer leurs produits, les EP peuvent recourir aux services de personnes morales ou physiques, appelés « agents de paiement » et ayant la qualité de commerçant. Ces agents peuvent ne pas être exclusifs à un seul EP et se répartissent en deux catégories :
- Agents de paiement principaux : qui peuvent ouvrir des comptes de niveau 1 et 2, procéder à des opérations de paiement, de versement et de retrait en espèce ainsi qu’effectuer des opérations de transfert de fonds.
- Agents de paiement détaillants : qui peuvent ouvrir des comptes de niveau 1, procéder à des opérations de versement, de retrait et de de paiement en espèces.
Respect exigé des règles de la bonne gouvernance
En matière de gouvernance, un EP peut choisir entre une structure duale (conseil de surveillance et directoire) ou un conseil d’administration avec possibilité de cumul des fonctions de Président du conseil d’administration et de direction générale. La taille du conseil reste fonction de la taille de l’EP. Le conseil doit se doter au moins d’un comité d’audit et de risque. Cette gouvernance relativement simplifiée n’exempte pas ces établissements de l’obligation de respecter les normes de contrôle interne au même titre que les établissements de crédit, notamment pour la gestion du risque de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.
A quoi servent ces établissements ?
Théoriquement, ces établissements peuvent concurrencer les banques sur les services de base. Mais pour le faire, il faut être compétitif côté frais. A notre avis, c’est le seul moyen pour se faire une place dans le paysage financier. En même temps, il y a deux segments qui offrent des opportunités uniques de croissances à ce genre d’institutions.
Il y a d’abord les régions de l’intérieur où la présence des banques est faible. Selon le dernier rapport de supervision bancaire, 73% des agences bancaires se concentrent dans le Grand Tunis, Nabeul, Sousse, Monastir et Sfax. La présence des banques dans les régions du Sud-Est, Nord-Est et Nord-Ouest est plus faible que celle dans le seul Gouvernorat de Tunis. Il est vrai que la présence de la Poste comble relativement cette absence, mais il y a un potentiel de croissance important pour ces établissements. La possibilité d’ouvrir des comptes par voie électronique permettra le développement rapide sans nécessairement recourir à un réseau en brique et en béton.
Le deuxième segment est les jeunes. Les étudiants et les jeunes professionnels pourraient avoir accès aux services de base à un moindre coût. Les parents peuvent aussi donner à leurs enfants la possibilité de gérer seuls leurs budgets dès le jeune âge tout en les contrôlant.
Mais la grande question reste la réplique des banques. Probablement, elles vont lancer leurs propres EP et tuer ainsi toute possibilité de concurrence.