Tentative de diversion dans l’air. Heureux qui comme Rached Ghannouchi, déjà loin le spectre hideux de Mustapha Kheder, celui par qui les malheurs du cheikh sont arrivés ?
L’imprudent serait en taule pour non-paiement de loyer, il faut le faire… Il y a neige et neige, froid et froid et mille et une façons de s’en prémunir.
Youssef Chahed et Rached Ghannouchi à Davos bien emmitouflés pour faire la tournée des riches de ce monde et expliquer, arguments à l’appui, que le jeu tunisien vaut bien la chandelle. Avec des variantes, ça peut monter, mais pas très haut, comme ça peut descendre, mais pas trop bas. Et ça n’a rien à voir avec la faculté de persuasion que nos dirigeants maîtrisent mal, parce que c’est toujours la même rengaine ; et depuis Deauville, cela a toujours été ainsi.
Il suffit de demander au président de la République, lui qui rate rarement une occasion pour parler aux grands en leur reprochant à demi-mot de ne pas faire assez, alors que tout devrait les inciter à faire beaucoup.
Au pays des Helvètes, les basses températures peuvent battre des records, mais vous n’aurez pas des malheureux pour crier toute leur colère, toute leur lassitude d’attendre que quelque chose de bien vienne à leur rencontre ; outrés mais dignes face à l’incurie ambiante, face aux caprices d’un thermomètre qui s’affole. Forcément, cela vous ramène à votre propre échec.
Un chef du gouvernement qui s’affiche pour nous dire, voilà ce que je fais pour vous, comme s’il était en précampagne. A sa manière, on a vu un Ghannouchi tirant la sonnette d’alarme : attention, qui que vous soyez Messieurs les bailleurs de fonds, avec vos diktats, cela ne plus continuer. Difficile de se faire entendre, et ce n’est pas la manne tout aussi conditionnelle et somme toute relative de l’UE, qui va faire déplacer les montagnes de difficultés auxquelles fait face l’économie tunisienne.
Encore cette sœur Angela Merkel qui décidément nous aime bien. Il ne s’agit pas bien sur de cracher dans la soupe en jouant aux rabat-joies ; et à chaque Davos sa pitance comme on dit. Qu’à partir de la célèbre station où la crème de la crème du monde des affaires et de l’argent se donne rendez-vous, un Ghannouchi plus requinqué que jamais, avertit que le pays risque d’aller tout droit à sa perte si… Là, je reste pantois.
En fait, qui, a amené le pays là où il est ? Qui effectue toutes les contorsions possibles et inimaginables pour faire endosser aux autres la responsabilité de ses malheurs, et qui, continue de plus belle ?
En grand manitou et en grand défenseur de la patrie devant l’Eternel, M. Ghannouchi sollicite un peu plus de compréhension et de mansuétude. C’est à peine s’il ne disait pas que c’était au nom du gouvernement tunisien qu’il parlait. Comment peut-on appeler cela ?
Bien sur que Youssef Chahed n’a pas dit à ses interlocuteurs autre chose que ce qu’ils savaient déjà ! Qu’à cela ne tienne, la présence du président d’Ennahdha est toujours vivement souhaitée, et comme vous le voyez, nos chers amis occidentaux n’en ont cure et redoublent au contraire d’attention et de prévenance. Alors que la pieuvre ne frappe plus à leur porte et qu’elle est déjà chez eux.
Allez-y comprendre quelque chose ! Imaginer un Davos sans Ghannouchi pour aiguillonner tout son monde sur les vertus de cet islamisme soluble dans la démocratie cher au président Essebsi. Ce dernier a tellement cru par conviction ou par calcul, en les vertus d’un islamisme qui serait soluble dans la démocratie, qu’il a fini par en faire payer le prix fort au pays, pour essuyer ensuite ses effets pervers sur sa propre personne. Et il n’est pas sur qu’il ait totalement retenu la leçon.
Davos, et tous les G de je ne sais combien, à l’arrivée, combien avons-nous capitalisé en jouant sur les mots et sur les besoins qui sont immenses ? Voilà la vraie question, tant il est vrai que tout le monde n’a pas la même approche de cette chose si malléable à souhait appelée transition démocratique.
On aura beau faire tous les tours de table possibles, il y aura toujours un islamisme politique sulfureux et suspect à traîner au pied, comme un boulet. Le fait que dans le camp occidental, on éprouve un plaisir malin à maintenir le flou, cela n’aide pas beaucoup ; de toute évidence.
En attendant, du coté de Montplaisir, on continue de cultiver avec soin le sens de ambiguïté et du machiavélisme à visage humain, à petit feu. La dernière à tirer la sonnette d’alarme, la députée nidaïste Fatma Mseddi qui vient de claquer avec fracas, la porte de la commission d’enquête parlementaire de l’ARP sur les réseaux d’envoi des jeunes tunisiens dans les zones de conflits.
Une terminologie officielle très proche de la langue de bois que je récuse parce qu’elle noie le poisson dans l’eau ; au motif qu’Ennahdha use de toutes les ficelles pour obstruer l’enquête en cours. Après Leila Chettaoui qui, elle, s’est trouvée une autre ambition plus grisante et sans doute plus lucrative… Cela dit, tant qu’il y aura des gazelles de Rhim dans le Sud tunisien, il y aura toujours des émirs en mal de chasse pour abattre le précieux gibier ; à Tunis, on préfère fermer l’œil…