Ne dites pas yahya Ben Ali, mais dites plutôt tahya Tounès. Tous les Tunisiens se rappellent sans doute de cette apparition furtive, fixée par la pellicule de l’histoire, d’un Ben Ali pas encore triomphant, et apparu au balcon de son bureau au siège du Premier ministère place de la Kasbah.
La foule venue en masse s’agglutinait pour voir l’homme qui venait de renverser un Bourguiba devenu l’ombre de lui-même, et qui allait les mettre sous sa botte pendant vingt-trois ans. Une belle entrée en la matière pour l’homme du « changement » et qui, deux décennies plus tard, allait lui-même être chassé du pouvoir pour la même raison, tahya Tounès !
Retour en arrière dans les années soixante, mes plus belles années. Je devais avoir entre sept et huit ans. Je me rappelle comme si c’était hier d’un Bourguiba au meilleur de sa forme et resplendissant qui venait assidûment chaque été à Sousse pour assister, avec toute sa smala, au carnaval d’Aoussou, un moment privilégié pour apercevoir le Combattant suprême tout de blanc vêtu, souriant, un immense machmoum à la main et saluant la foule de spectateurs venue l’acclamer. Debout dans sa voiture présidentielle toit ouvert, il traversait l’avenue Boujaafar qui longeait la plage, comme une étoile filante aux cris de yahya Bourguiba, yahya Bourguiba. On se bousculait, on était subjugués. Comme les temps ont changé…Tahya Tounès ou vive la Tunisie pour équilibrer la scène politique viennent de répéter à l’unisson tous les transfuges du Nida. Des têtes racolées ça et là et qui, demain, voudraient gouverner ce pays.
Nida est mort vive Nida, tahya Tounès ! Quand le président de la République déclare au journal londonien « Al Arab » que les révélations sur l’affaire de l’appareil sécuritaire d’Ennahdha et des assassinats politiques qui lui sont liés ne doivent souffrir l’ombre d’aucun flou, d’aucun doute. Que lui faut-il de plus, alors que les preuves qui lui ont été communiquées sont plus accablantes ?
Faire douter de l’impartialité des juges est passible de poursuites judiciaires et les derniers éléments des dossiers des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi fournis par la défense n’ont rien apporté de nouveau. Une manière à peine déguisée de disculper Montplaisir, tahia Tounès…
Tahya Tounès ! Quand je lis que le Mouvement Ennahdha est donné vainqueur aux prochaines élections. Encore une fois, tahya Tounès, quand j’entends Fayçal Derbal, monsieur fiscalité à la présidence, dire que la Tunisie et la liste noire, ce ne sera plus bientôt qu’un mauvais souvenir, je ne peux encore une fois, qu’enrager : et toutes ces associations caritatives qui sentent le blanchiment d’argent à mille lieux alors ? Dites avec moi tahya Tounès ! Ah, si Bourguiba pouvait ressusciter pour nous dire tout le mal qu’il pense de nous, du pays qu’il a laissé et qu’il ne reconnaît plus. S’il pouvait dire basta, laissez mon legs et mon image tranquilles. Ne trouvez-vous pas bizarre que le chef du gouvernement ait pu survivre à la récente grève générale dans la fonction publique ? Pourtant, d’habitude…état d’urgence avez-vous dit ? Je n’en vois nullement les signes extérieurs, alors que tout galope : violence ; criminalité, insécurité, délinquance, trafics en tous genres ; et ne demandez surtout pas où est passée la police ? débordée, totalement dépassée. Entre Tahya Tounès et Tahya Tounès, qui choisir finalement?