La biennale internationale pharmaceutique s’est tenu les 8 et 9 février à Hammamet sous le patronage du ministre de la Santé Dr Abderraouf Cherif, en présence de centaines de pharmaciens tunisiens et d’invités de plusieurs pays arabes et africains, de France et du Canada.
Dans l’allocution prononcée à l’ouverture, le ministre a insisté sur deux points : l’accord « imminent’’ entre la CNAM et les pharmaciens d’officine, et la « numérisation de l’ensemble des hôpitaux publics d’ici à la fin de l’année 2019’’.
Le ministre a également évoqué la crise des médicaments qui a affecté le pays au cours des dernier mois, assurant l’assistance que cette crise touche à sa fin et que désormais la Pharmacie Centrale dispose d’un stock de médicaments qui éloigne de nous le spectre de la pénurie.
Le choix pertinents des thèmes par les organisateurs et les interventions d’orateurs maitrisant parfaitement leurs sujets ont suscité des débats approfondis et parfois passionnés par une assistance composée essentiellement de professionnels et d’experts de la santé.
L’usage des statines
Le premier sujet du programme scientifique était relatif à la controverse mondiale sur l’usage des statines administrées aux patients ayant un fort taux de cholestérol. Sans surprise les débats ont reflété les thèses contradictoires des deux écoles qui s’opposent sur la scène mondiale. La première dénonçant l’usage des statines en en exagérant les effets indésirables et en en minimisant les bénéfices et la seconde soutenant la thèse opposée.
Mais les deux sujets du programme scientifique de la première journée qui ont suscité la plus grande attention de l’assistance et suscité le plus grand intérêt étaient relatifs aux problèmes que rencontrent la Pharmacie Centrale d’une part et l’hôpital public d’autre part.
La PCT : un acquis national à préserver
Dr Brahim Nacef, pharmacien d’officine et député, Pr Slaheddine Sellami, rhumatologue et ancien ministre de la Santé, et M. Aymen Mekki, PDG de de la Pharmacie Centrale de Tunisie (PCT), ont tous fait le même diagnostic : la Pharmacie Centrale va mal certes, mais elle constitue un acquis national à préserver.
Les orateurs ont dénoncé les « lobbies » qui appellent à la destruction de cette institution et ont mis en exergue les éminents services que cette institution rend au pays. C’est précisément grâce à la Pharmacie Centrale que la Tunisie est immunisée contre le fléau des médicaments contrefaits, qu’il y a un contrôle strict des médicaments importés, de leurs prix et des conditions de stockage adéquat et de distribution satisfaisante sur tout le territoire.
Et, comme s’ils voulaient décrédibiliser une fois pour toutes les « lobbies’’ qui veulent la voir disparaître, les orateurs ont mis en avant les éloges dont a bénéficié la Pharmacie Centrale de la part de l’Organisation Mondiale de la Santé, et la certitude certifiée par des instances internationales que la PCT ne viole pas les accords de l’Organisation mondiale du Commerce.
La PCT passe par une crise de nature essentiellement financière due à une série de raisons interconnectées qui trouvent leur origine dans le marasme économique sans précédent par lequel passe le pays et dans la dégradation continue du dinar. La PCT est en crise qui, loin d’être fatale, est parfaitement surmontable. La PCT est acquis national qui doit absolument être préservé. Telles sont les deux idées fondamentales sur lesquelles orateurs et intervenants dans les débats étaient pratiquement d’accord.
L’assistance a suivi ensuite les interventions des docteurs Michèle Boiron et François Roux sur le thème « l’homéopathie : soins de support et d’accompagnement en oncologie ». L’administratrice des Laboratoires Boiron et le pharmacien toulousain ont développé l’idée que l’homéopathie n’est en aucun cas un substitut aux traitements conventionnels du cancer, tels que la chimiothérapie, mais un simple accompagnement destiné à mieux faire supporter ces traitements et leurs effets indésirables par les patients.
L’hôpital public tunisien de demain
« L’hôpital public tunisien de demain » était le dernier sujet du programme scientifique de la première journée de la Biennale Internationale Pharmaceutique.
Pr Noureddine Bouzouaya, chef de service septique-infectieux à l’Institut Kassab (Ksar Said), et Dr Hedi Achouri, ancien directeur, responsable des hôpitaux au ministère de la Santé, ont fait un diagnostic inquiétant de l’hôpital public, « une structure en crise dans un système de santé en crise dans un pays en crise ». Toutefois, et malgré les conditions extrêmement difficiles par lesquelles passe l’hôpital public tunisien, 70% des Tunisiens s’y font soigner, et ne serait-ce que pour cette raison, sa préservation, sa modernisation et son développement sont indispensables.
Pr Noureddine Bouzouaya s’est élevé avec force contre ce qu’il a appelé « l’hospitalo-pessimisme », c’est-à-dire cette tendance de certains milieux dans le pays qui consiste à pointer du doigt les insuffisances, quand ils ne contribuent pas à sa dégradation pour des raisons inavouables. L’avenir de la Santé en Tunisie est indissociablement lié au développement de l’hôpital public a martelé Pr Bouzouaya.
La deuxième journée du programme scientifique de la Biennale a commencé par un sujet qui concerne pratiquement le tiers des Tunisiens : le diabète. L’assistance a eu droit à deux brillantes interventions, celle du Pr Koussay Ach, chef de service d’endocrinologie au CHU Farhat Hachad de Sousse sur le thème : « le diabète : une maladie environnementale, silencieuse et galopante », et celle du Dr Mimoun Fredi, pharmacien, sur le thème : « Education thérapeutique et prise en charge des patients diabétiques en officine ».
Le second sujet a concerné la problématique du cannabis et des cannabinoïdes présentée par Pr Mohammed Ben Amar, professeur de pharmacologie et spécialiste des psychotropes à l’Université de Montréal (Canada). L’orateur a développé les différents aspects de la pharmacologie, la toxicologie et les applications thérapeutiques du cannabis. Le débat qui a suivi a montré un consensus en faveur de l’usage thérapeutique du cannabis, mais une opposition claire à son usage « récréatif ».
Bonne santé de l’industrie pharmaceutique tunisienne
Le sujet relatif à l’industrie pharmaceutique tunisienne et sa place dans l’exportation a été confié au Dr Kamel Idir, expert auprès de l’OMS et au Pr Nadia Fnina, Directeur général de l’unité de promotion des investissements et de l’exportation des services liés à la santé.
Les orateurs ont mis en avant la bonne santé de l’industrie pharmaceutique tunisienne, composée de 65 unités de production, et du dynamisme des Laboratoires tunisiens, notamment Teriak, Medis et Saiph, présents en force en Afrique et même en Europe, et ce, grâce à la stratégie et à la vision qui caractérisent le secteur. Ils ont insisté sur la nécessité pour l’industrie pharmaceutique tunisienne de poursuivre sa croissance en mettant l’accent sur « le renforcement du partenariat sud-sud et nord-sud à travers des mesures incitatives avec un cadre fiscal et financier attractif pour les investisseurs. »
Les pharmaciens ont eu droit au sujet qui leur tient à cœur : « la rémunération des pharmaciens d’officine : de la marge aux honoraires », sujet traité par Pr Francis Megerlin, membre de l’académie de pharmacie de France.
Enfin, le dernier sujet du programme scientifique de la Biennale Internationale Pharmaceutique a été confié au Pr Maher Jenhani, conseiller fiscal et enseignant à l’IHEC qui a traité « les aspects juridique et fiscal des transactions pharmaceutiques (achat, vente, association, donation).