En vue de l’élection présidentielle du 18 avril prochain, le chef de l’Etat algérien Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 1999, est officiellement candidat à un cinquième mandat.
Ni son âge (81 ans), ni son invalidité (depuis un accident vasculaire cérébral en 2013), n’auront suffi à éviter une décision aussi incongrue qu’ubuesque. Une décision qui s’explique par l’incapacité du système politique algérien à produire un leadership et une offre politique pour l’intérêt du pays.
L’impasse politique du système algérien
La raison de cette décision ne semble pas puiser dans la raison humaine, mais dans les jeux de pouvoir au sein des partis au pouvoir – le FLN, le Rassemblement national démocratique (RND), le Mouvement populaire algérien (MPA) et le Tadjamoue Amel El Djazair (TAJ) –, des services de sécurité et de l’armée algérienne. Derrière la façade présidentielle et gouvernementale, le(s) détenteur(s) du pouvoir réel reste(nt) difficile à identifier.
Ce système opaque est responsable de la défaillance économique et sociale du pays, confronté au fléau de la corruption qui mine l’administration comme l’ensemble du tissu social.
D’une certaine manière, le pays n’a définitivement tourné la page ni de la période coloniale, ni de l’indépendance, ni de la guerre civile.
Des jeux qui se jouent aussi entre ces divers acteurs, dans des conditions aussi troubles qu’opaques, et qui perdurent sous le regard incrédule du monde (la logique implacable de la realpolitik explique le silence général des chancelleries occidentales, chinoises et arabes), mais surtout du peuple algérien. Face à une opposition politique fragmentée et impuissante, la seule réaction susceptible de se manifester risque de venir de la société civile. Une réaction qui ne se traduira pas forcément par des actes de violence, par un rejet du scrutin via une abstention massive face à une issue qui semble inéluctable : la réélection pour un cinquième mandat consécutif, et ce sans même faire campagne !
Et pour cause, on se souvient de la dernière campagne présidentielle, surréaliste, avec les images d’un président fantomatique, condamné au mutisme et absent de ses propres meetings électoraux. .. avant d’être réélu « dans un fauteuil », avec près de 81,5% des voix.
L’impasse socio-économique
En Algérie, rien de nouveau alors ? L’Algérie retient son souffle, tant l’avenir est incertain malgré un semblant de stabilité. Derrière l’apparente stabilité et le semblant de paix civile ne sauraient masquer une réalité plus sombre. A la tension sécuritaire s’ajoute une tension sociale nourrie par une corruption et un chômage structurels dont la principale victime est une jeunesse désespérée par l’incapacité de ses dirigeants à mettre les richesses (pétrolières et gazières) nationales au service de son propre peuple (par le développement d’infrastructures et de services sociaux-sanitaires, mais aussi par la diversification d’une économie dépendante de la production et l’exportation des hydrocarbures).
L’émigration demeure une option sérieuse pour la jeunesse algérienne, force vive de la nation… Une jeunesse qui ne s’est pas lancée dans l’aventure révolutionnaire à la suite du soulèvement du peuple tunisien, malgré des troubles sociaux et une série d’immolations en janvier 2011. Le souvenir traumatique de la « décennie noire », le désarroi général et la déliquescence des partis politiques d’opposition ont permis au régime de maintenir un statu quo mortifère. Animé par une colère sourde, le peuple algérien s’exaspère de la mainmise des richesses du pays par une minorité invisible.
Enfin, l’après Bouteflika risque donc d’ouvrir une période d’instabilité nourrie par les éléments constitutifs du drame algérien : un pays riche de sa jeunesse et de ses ressources gazières, mais gangrené par la corruption et les inégalités sociales. Une situation qui le rapproche et l’éloigne à la fois de son voisin tunisien. Or la question de l’Algérie post-Bouteflika ne concerne pas que les Algériens : c’est la stabilité de la région de l’Afrique du Nord et sub-saharienne qui se joue en partie à travers l’avenir de pays central, qui est à la fois le plus grand pays et l’un des plus peuplés (près de 36 millions d’habitants) du monde arabe…