L’économie informelle est à l’origine d’un manque à gagner pour l’Etat estimé à 2 milliards de dinars. En Tunisie, ils sont plus d’un million de personnes à travailler dans le secteur informel. 40% de ceux qui sont dans le secteur informel travaillent à leur compte propre dans plusieurs secteurs d’activités dont regorge l’économie du pays, mais aussi de tous ces professions que l’on peut exercer en indépendants sans pour autant avoir de patentes.
Les pouvoirs publics en l’occurrence, le ministère des Finances, ont tenté par tous les moyens de trouver des solutions au secteur informel afin de l’intégrer dans l’économie formelle. Cependant toutes les tentatives engagées jusque-là n’ont pas abouti. Et ceci est dû principalement à un cadre réglementaire lourd et peu incitatif qui n’encourage pas les employés du secteur informel à s’inscrire dans le circuit formel.
Mettre en place un cadre juridique relatif à l’auto-entrepreneur
Conscient du problème du secteur informel et de son poids dans l’économie tunisienne, un Conseil des ministres a examiné le 24 janvier 2018 la Stratégie nationale de l’emploi qui s’articule autour de trois axes, dont celui de la mise en place d’un cadre juridique relatif à l’auto-entrepreneur.
Youssef Chahed, Chef du gouvernement, avait annoncé, en janvier et juillet 2018, la préparation par le gouvernement d’un projet de loi sur l’entrepreneuriat social comportant de nombreuses incitations et facilités pour encourager les jeunes à entreprendre et pour créer des projets ayant une dimension sociale et environnementale.
Moins de mesures et de fiscalité, une couverture sociale assurée et des recettes pour l’Etat garanties, c’est le principe du régime de l’auto-entrepreneur, proposé par la société civile en collaboration avec le ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle.
Il s’agit d’un nouveau cadre juridique qui instituera, d’une part, une nouvelle catégorie de promoteurs et de petits projets et permettra, d’autre part, à plusieurs personnes (n’ayant pas de statut légal, ni accès à la sécurité sociale et à la couverture médicale et ne déclarent pas leurs revenus et ne payant pas d’impôts) de se reconvertir dans le secteur formel.
C’est un statut caractérisé par un régime simplifié et libéral en matière fiscale et des cotisations calculées sur la base des revenus réalisés et selon des procédures souples.
Objectif : ouvrir plus larges les portes de l’espoir devant toutes les catégories dans les divers domaines et spécialités et tous les niveaux d’enseignement et de formation.
De nouvelles opportunités
Le projet de loi relatif au statut de l’auto-entrepreneur offrira de nouvelles opportunités aux entrepreneurs à travers tout le pays, qu’ils soient dans le secteur formel ou informel. Une fois mis en place, il sera la voie la plus simple pour créer une activité indépendante.
A travers le projet de loi relatif au statut de l’auto-entrepreneur, la société civile présente une alternative au secteur informel. On s’attend à intégrer 10% des activités informelles dans le secteur formel.
Genèse du projet
Ce projet de loi est le résultat des efforts persistants et de la coopération entre plusieurs ministères avec la société civile et des experts locaux et internationaux et favorisera un changement positif.
Depuis septembre 2012, Global Fairness Initiative (GFI) et l’Association tunisienne pour le management et la stabilité sociale (TAMSS) ont lancé l’Initiative Tunisienne pour l’Emploi Inclusif (TILI) qui constitue une réponse au défi de l’informalité en Tunisie.
Le programme TILI a adopté une approche multipartite et consensuelle impliquant les travailleurs informels, le secteur privé, la société civile et les institutions publiques.
Le projet de loi relatif au statut de l’auto-entrepreneur tend à affronter un chômage endémique, une économie informelle destructrice et une insuffisance frappante au niveau de la création d’entreprises.
Il vise à promouvoir les conditions du travail décent et l’accès à la protection sociale et aux services publics pour les travailleurs informels. Ce projet concerne, principalement, les travailleurs informels, qu’ils soient salariés ou indépendants qui ne disposent pas de statut légal. Il tend à assurer une meilleure compréhension de l’emploi informel, à développer de nouvelles mesures et / ou réformes qui encouragent et soutiennent l’inclusion et la transition vers l’économie formelle.
Le statut d’auto-entrepreneur a pour finalité de développer via des avantages fiscaux, qui seront accordés à l’auto-entrepreneur, l’esprit entrepreneurial. Il permettra de réduire considérablement le taux de chômage grâce à l’auto-emploi, et appuiera la lutte contre la concurrence déloyale générée par l’informel. Une fois le projet adopté et entré en vigueur, il permettra d’intégrer environ 15% de ceux qui exercent actuellement dans le secteur informel, dans le circuit formel lesquels devraient générer quelque 58 MD de recettes fiscales pour l’Etat.
En définitive, le projet de loi tend à faciliter l’inscription dans le circuit formel, à travers un imprimé à remplir auprès des Bureaux de Poste, ou des Bureaux de l’emploi et du travail indépendant, et des espaces de l’initiative relevant de l’Agence nationale de l’emploi et du travail indépendant.
Ce projet de loi tend également à intégrer la rapidité et l’efficacité de la réalisation, à travers la création d’un registre national de l’auto-entrepreneur dont la charge serait confiée exclusivement à la Poste tunisienne. Enfin, ce projet de loi prévoit la facilitation des procédures d’inscription au régime formel, de la déclaration de revenus et de paiement. Sans compter qu’un seul organisme sera chargé de l’inscription et de l’annulation de l’activité, à savoir la Poste tunisienne.
D’après des expériences similaires, notamment française et marocaine, et au regard de toutes les enquêtes de terrain, la grande majorité des personnes exerçant dans le secteur informel ont déclaré une préférence exceptionnelle pour la Poste. D’abord, parce que les services de la Poste tunisienne sont présents sur l’ensemble du territoire national. Ensuite, toutes ces personnes sont des clients plutôt de la Poste que des banques.
En attente d’examen !
L’initiative TILI a pu mettre en place une feuille de route pour la formalisation qui a été incluse dans le Plan stratégique 2016-2020 du ministère de l’Emploi. Pour œuvrer dans la continuité, l’initiative TILI a été complétée par le projet TILI EO (Tunisian Inclusive Labor Initiative – Expanding opportunities) qui s’étale sur deux ans et demi (octobre 2017- mars 2020).
Actuellement en attente d’examen, le projet de loi relatif au statut de l’auto-entrepreneur est aujourd’hui presque fin prêt. Les efforts consentis dans ce sens par les différents partenaires ont abouti à rédiger un nouveau cadre juridique pour travailleurs informels avec procédures claires et incitations (projet de loi de l’auto entrepreneur).
Des approches sectorielles ont été développées visant à créer un plan clair pour faire face à l’informalité dans chaque secteur cible avec participation des parties prenantes mêmes qui seraient plus activement impliquées dans la mise œuvre de ce plan via des stratégies adéquates.
Les différents partenaires ont développé des outils de formation et d’encadrement et de matériel par des procédures et manuels de coaching créés à l’intention du ministère de l’Emploi.
Des formations cibleront 60 conseillers à l’Emploi et 40 membres appartenant aux organisations de la société civile à travers sept sessions de formation de cinq jours chacune. Il s’agit également d’engager et soutenir les institutions de microfinance dans la formation de leurs clients à la formalisation.
Parmi les actions proposées, on prévoit la formation de 45 entités entre associations, ONG locales et autorités locales à la boîte à outils du dialogue local. 25 représentants des travailleurs informels et des ONG de quatre régions différentes seront formés sur la boîte à outils du dialogue local (15 dialogues locaux ont déjà eu lieu).
Enfin, une campagne médiatique nationale, en collaboration avec le ministère de l’Emploi, sera lancée pour mettre en évidence l’importance des avantages et des nouvelles politiques qui soutiennent l’entrée dans le secteur formel.
Au moins 1000 travailleurs informels seront formés par le ministère de l’Emploi au cours TILI-EO dont 300 travailleurs informels formaliseront leurs activités.
10 guichets uniques seront mis en place avec le ministère de l’Emploi pour appuyer le guichet unique du Kef en vue de former plus de 250 travailleurs informels et qui fourniront un encadrement individuel à 100 personnes dont 75 au moins sont appelées à régulariser leur situation.