Le secteur de la parfumerie et des cosmétiques en Tunisie présente un grand potentiel de développement. Il pourrait contribuer davantage à la croissance économique. Toutefois, ce secteur est accablé par une pression fiscale et des obstacles techniques et réglementaires. Ces difficultés justifient amplement la prolifération des contrefaçons. Ainsi que le taux élevé du commerce informel, dépassant parfois les 70% du total des importations formelles.
A cet égard, la Chambre syndicale nationale des industriels de parfumerie et cosmétiques relevant de l’UTICA a réalisé une étude. L’accent est mis sur les difficultés rencontrées par les professionnels, dont la pression fiscale, et des recommandations.
Hatem Meziou : « la LF 2018 fut un choc pour le secteur de la parfumerie »
Lors d’un point de presse, tenu ce matin, pour la présentation de cette étude, Hatem Meziou, président de la Chambre et DG de Satem déclarait à leconomistemaghrébin.com, que la LF 2018 a été un choc pour le secteur. Ce dernier rencontre déjà des difficultés financières. Et ce, notamment suite à la dépréciation du dinar, aux droits de douane et à l’avance de l’impôt sur le revenu. S’ajoute à cela l’instauration d’un droit de consommation à un taux de 25%.
Les prix à la consommation ont, par conséquent, augmenté d’environ 50%. Et ce, au moment où le pouvoir d’achat du citoyen se détériore de plus en plus.
Et puisque ce secteur est devenu primordial, quand il s’affecte, l’informel prendra le relais. Parce que le gap entre le formel et l’informel devient important. Sachant que l’informel représente entre 58% et 70% de ce secteur.
De ce fait, M. Meziou a affirmé que les ressources de l’Etat vont baisser. De plus, les consommateurs rencontreront des problèmes sanitaires vu que les produits informels sont non contrôlés.
En conséquence, la chambre a élaboré cette étude. Et ce, afin de démontrer aux parties prenantes la faiblesse de la politique économique mise en place. Notons que depuis 1 an et demi d’application de ces différentes mesures, aucune amélioration des indicateurs n’a été constatée.
Hatem Meziou a, par ailleurs, déclaré que pour sortir du cercle vicieux et rentrer dans un cercle vertueux, il importe d’améliorer le climat des affaires et redonner confiance aux opérateurs, qu’ils soient industriels ou importateurs.
Etude : l’informel représente entre 58% et 70% du secteur
Les résultats de cette étude ont démontré que les importations du secteur de la parfumerie ont atteint 378 MDT en 2018. Soit 0,6% du total des importations tunisiennes. Tandis que les exportations ont enregistré 216 MDT, couvrant 57% des importations.
Ainsi, le secteur contribue pour 0,8% au déficit commercial du pays, estimé à 19 milliards DT.
La même source a démontré que ce secteur génère un chiffre d’affaires annuel de 1,5 milliard DT, soit 1,35% du PIB. Or, la taille du marché formel des produits de parfumerie et des cosmétiques est évaluée à 945 MDT.
Le volume du marché informel est, quant à lui, estimé à environ 555 MDT, soit 58% du secteur formel. Il dépasserait les 70% pour les parfums et les produits de beauté.
La pression fiscale était de 84,5% en 2018
L’étude a dévoilé que la pression fiscale totale à l’importation de ces produits, relevant des positions tarifaires 3303 et 3304 (Parfums et eaux de toilettes, Produits de beauté et maquillage), est passé de 42% en 2017 à 84,5% en 2018. Soit une augmentation de 100%.
Cela est le résultat des augmentations opérées par la LF 2018. Il s’agit de la hausse du taux de droit de douane de 20% à 30%, du taux de la TVA de 18% à 19%. Ainsi que l’instauration d’un droit de consommation à un taux de 25%. A cela vient s’ajouter l’avance de l’impôt sur le revenu, dont le taux a augmenté de 10% à 15%.
Dans le même sillage, un banchmark avec les pays voisins a indiqué que la pression fiscale appliquée à ces produits en Tunisie est la plus élevée de la région. Et ce, contre 54,7% en Algérie, 23% au Maroc, 23,5% en Jordanie et moins de 10% en Libye.
Les différences de pressions fiscales à l’importation justifient en grande partie le commerce informel transfrontalier. Et ce, avec des risques pour la santé des consommateurs et des pertes pour les caisses de l’Etat.
De nombreux obstacles rencontrés
Outre la pression fiscale élevée, l’étude a démontré que les opérateurs économiques du secteur rencontrent de nombreux obstacles. Il s’agit des nombreuses procédures existantes. A savoir : le contrôle technique à l’importation, l’obligation de joindre à la déclaration de mise à la consommation des produits de parfumerie et des cosmétiques, une copie de la déclaration d’exportation du pays d’expédition. Ces procédures retardent l’enlèvement des marchandises. Elles peuvent dans certains cas engendrer des coûts logistiques superflus dont le consommateur final est la principale victime.
A partir du 28 novembre 2018, les importations du secteur sont aussi soumises à un cahier des charges. En l’absence de ce cahier, il faut demander pour chaque opération une autorisation d’importation auprès des services du ministère du Commerce. Le processus est plutôt lent et manque de transparence.
Toutes ces procédures privent les opérateurs économiques de toute visibilité à court et à moyen termes. Et elles touchent directement leur crédibilité auprès de leurs fournisseurs. Ainsi que celle de la Tunisie en tant que partenaire commercial.
Cadre réglementaire inadapté et manque de soutien de l’Etat
Par ailleurs, l’étude a fait savoir que le tissu industriel de la parfumerie et des cosmétiques demeure plutôt artisanal et peu structuré. Il souffre d’un cadre réglementaire inadapté et d’un manque de soutien de l’Etat.
Ainsi, les produits du secteur fabriqués en Tunisie, à l’exception des dentifrices, sont exclus du champ d’application de l’article 14 de la loi 2003-80 du 29/12/2003. Cet article qui accorde l’exonération des droits de douane exigibles à l’importation des matières premières. Ceci entraîne un déficit de compétitivité face aux produits finis importés des zones exonérées de droits de douane. A l’instar de l’Union européenne.
Aussi, la plupart des PME industrielles du secteur sont amenées à s’approvisionner auprès des distributeurs locaux de matières premières. Et ce, en raison des contraintes de volume et des coûts logistiques à l’importation. Elles ne peuvent, de ce fait, pas bénéficier des privilèges réservés aux industriels. Et elles se retrouvent fortement pénalisées face aux grandes multinationales.
En outre, la concurrence déloyale du secteur informel, échappe totalement ou partiellement au contrôle et aux taxes, et pénalise d’autant plus l’industrie locale.
Recommandations
Pour faire face aux difficultés rencontrées par le secteur et limiter le marché parallèle, la Chambre a dressé une liste de recommandations. Il s’agit essentiellement de :
- Supprimer le droit de consommation sur les parfums et les produits cosmétiques.
- Supprimer les droits de douane sur les intrants de l’industrie cosmétique. Quelle que soit leur provenance, qu’il s’agisse de mélanges odoriférants, produits d’emballage ou autres matières premières.
- Supprimer la procédure des autorisations à l’importation pour les produits cosmétiques. Laquelle manque de transparence et pénalise les acteurs économiques.
- Faciliter la tâche des sociétés commerciales qui assurent l’approvisionnement des unités industrielles de petite et moyenne taille. Et ce, en les faisant bénéficier des avantages aujourd’hui limités aux sociétés industrielles.
- Accompagner les opérateurs du secteur dans la recherche des marchés à l’exportation. Surtout dans les pays voisins et en Afrique subsaharienne. Tout en apportant des solutions logistiques adaptées à des coûts raisonnables.
- Sensibiliser les autorités de l’Etat pour renforcer la lutte contre la contrebande et la contrefaçon.