Dans son rapport 2019 « Europe – Afrique : partenaires particuliers », l’Institut Montaigne (Think tank) formule un ensemble de propositions pour bâtir un partenariat renouvelé entre l’Afrique et l’Europe. Et plus exactement entre l’Afrique et l’Union européenne (UE), avec une vision, des priorités et des outils.
En effet, pour l’Institut Montaigne, il apparaît nécessaire de porter à la connaissance des acteurs économiques, des décideurs, des parties prenantes au débat et du grand public, les évolutions économiques, historiques, politiques, culturelles, qui irriguent le partenariat Europe – Afrique.
Mais c’est aussi une manière de contribuer à la réflexion sur cette relation fondamentale pour les deux continents. Celle-ci doit prendre une nouvelle ampleur. Elle doit s’ériger en un partenariat riche, exemplaire. Un partenariat apuré des scories du passé qui empêchent toute construction solide et durable.
Partager une vision commune du partenariat
Ainsi, il devient nécessaire de centrer le partenariat UE-Afrique autour des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD). De même, il faut s’appuyer sur les ODD pour faire du partenariat UE-Afrique un espace de réciprocité et d’équilibre des échanges. Et ce, pour une meilleure appropriation par chacune des parties des enjeux nationaux, continentaux et mondiaux.
Faire de l’environnement des affaires une priorité commune
Par ailleurs, la mise en place d’une chambre arbitrale euro-africaine sur les litiges commerciaux, financiers et judiciaires est inévitable. Elle gérera les contentieux qui touchent les entreprises européennes en Afrique et africaines en Europe.
Structurer une offre européenne sur les infrastructures
De plus, il revient de bâtir une offre européenne intégrée publique/privée de déploiement d’infrastructures durables en Afrique. Cela passe par la valorisation des avantages comparatifs européens (l’attention portée à la soutenabilité financière, à la qualité et au caractère durable, à la maintenance, ainsi qu’à l’accompagnement autour des projets sur la formation ou la gouvernance). Et la doubler d’une priorité : la rapidité d’exécution.
Renforcer la valeur ajoutée produite en Afrique
En parallèle, il faut cibler des industries d’intérêt commun et construire un modèle d’ouverture graduée aux marchés mondiaux. L’objectif est d’accompagner et de faire grandir la création de chaines de valeur africaines et de champions régionaux. Et in fine les soutenir dans leur stratégie d’export à l’international, particulièrement en Europe. Pour stimuler et de développer l’écosystème productif national africain, mettre à jour conjointement une cartographie industrielle de l’Afrique, à partir du travail initié par le NEPAD, doublée d’une cartographie des compétences associées.
Mobiliser davantage de ressources domestiques
Orienter davantage de financements vers la formation des administrations fiscales africaines et soutenir la coopération entre administrations fiscales africaines, notamment autour de la question de la disponibilité et de l’échange de données. Contribuer à la construction avec les États africains de projets de collecte de l’impôt grâce au déploiement d’outils numériques. Travailler aux côtés des États africains à des solutions fiscales et de protection sociale permettant une démarche flexible et graduée selon le degré d’insertion des acteurs économiques dans le secteur formel ou informel.
Financer l’agriculture, soit 60 % des actifs africains
Augmenter le montant des financements dédiés aux petits agriculteurs et aux exploitations familiales notamment via l’appui aux initiatives privées et l’échange d’expertises avec les agriculteurs européens.
Miser sur les institutions pour renforcer les intégrations régionales et continentales
Définir une feuille de route précise pour développer une relation forte de continent à continent entre l’UA et l’UE où cette dernière pourrait mieux partager son expertise d’intégration acquise au cours de ses 60 années d’existence. Cette feuille de route pourra notamment fixer le cadre :
- des compétences renforcées de l’UA et de la définition de sa subsidiarité par rapport aux États membres et aux organisations régionales ;
- de la stricte application par tous des règles régionales de tarification douanière et de libre circulation des biens, des personnes et des capitaux au sein de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA).
Investir davantage dans la formation professionnelle
Allouer des financements européens conséquents à la formation, en particulier à la formation technique (productivité pour le milieu agricole, agents de maîtrise dans l’industrie et les services) et à la formation des formateurs. Allouer une part substantielle de ces financements à la formation professionnelle des femmes, majoritaires dans des secteurs à fort potentiel (transformation agricole, petit commerce), et à la formation au numérique, qui garantit un accès à une meilleure information et permet de maîtriser des outils nécessaires. Co-construire avec les pays africains des référentiels de compétences communs pour la formation professionnelle favorisant l’acquisition, le partage des connaissances et le dialogue, qui répondent aux besoins spécifiques identifiés pour le pays ou le marché, que ce soit pour le secteur formel ou informel.
Déployer une assistance technique efficace et ciblée
Réorienter et renforcer une assistance technique harmonisée de l’UE vers le secteur privé et l’amélioration de l’environnement des affaires, à travers la mise en place d’équipes mixtes Europe-Afrique pour éviter les biais culturels qui freinent la mise en place de bonnes pratiques.
Appuyer le secteur privé, PME et ETI en priorité
Faciliter l’accès aux outils de financement européens pour les PME et ETI européennes et africaines en leur octroyant un accès simplifié. Accélérer le déploiement du Plan d’investissement extérieur (PIE) européen. Créer des chambres de commerce et d’industrie européennes dans les pays africains chargées d’animer le dialogue entre entreprises européennes et africaines et de diffuser l’information sur les financements européens, conjointement avec les délégations de l’UE.
Recourir davantage à la finance mixte ( blending finance )
Augmenter et cibler l’utilisation du blending finance, associant ressources publiques et privées, sur la conception amont des projets, les financements en monnaie locale et les projets les plus risqués souvent délaissés par ce type de financement et pourtant susceptibles des plus forts effets d’entraînement sur l’économie. Mesurer et privilégier comme critère d’impact l’effet de levier sur le marché et d’entraînement sur la croissance et le développement.
Développer les acteurs de terrain et les maîtrises d’ouvrage de demain
Cartographier, structurer et animer un réseau de nouveaux acteurs économiques, politiques et culturels africains. Accentuer l’effort financier dédié au renforcement des organisations, des compétences et de la gouvernance de ces structures.
Pour conclure, l’Institut Montaigne a souligné que les 12 propositions formulées dans ce rapport nécessitent avant tout une volonté politique commune à la fois au sein de l’UE et de ses États membres et au sein de l’UA et des États membres. Chacune des parties devra faire un pas vers l’autre en se basant sur des valeurs, des enjeux et des ambitions communs.