Le chargé du Contentieux de l’Etat, Chedly Rahmani a déclaré, vendredi, à l’agence TAP, que le verdict du Tribunal d’arbitrage de la Banque Mondiale, le CIRDI, dans l’affaire qui oppose l’Etat tunisien, au groupe ABCI Investment, concernant la Tunisian Foreign Bank « TFBank », n’est pas définitif.
En effet, « il s’agit juste d’une saisie conservatoire préventive sur les actifs d’une banque publique tunisienne, actionnaire majoritaire dans la BFT. La saisie fera l’objet d’un recours, de la part des avocats de cette même banque publique. Il ne s’agit pas d’une saisie exécutive », a-t-il affirmé.
Chedly Rahmani a souligné que « le coût des dédommagements que l’Etat tunisien est appelé à payer de 1 milliard de dollars, tel que relayé par les médias, n’est qu’une estimation de la partie plaignante ».
« Ils veulent nous imposer un règlement à des conditions insoutenables, mais nous n’allons pas céder« , a déclaré, à ce sujet, le chargé du Contentieux de l’Etat, Chedly Rahmani.
Des procédures juridiques jusqu’en 2021
« Les procédures juridiques dans cette affaire vont se poursuivre jusqu’en 2021, selon un calendrier déjà défini, en concertation entre les chargés de cette affaire d’arbitrage en Tunisie et le CIRDI« .
« Les intérêts financiers de la Tunisie ne sont en aucun cas, touchés. Nous ne sommes pas en position de faiblesse et nous allons jusqu’au bout dans la défense de nos droits. D’ailleurs, le choix du moment d’annoncer ce verdict n’est pas tout à fait innocent« , a-t-il accusé.
Le Fonds d’investissement ABCI Investment, basé aux Pays Bas, a effectué une saisie sur les actifs de la banque tuniso-française installée à Paris « BFT », suite à un verdict du CIRDI, le 2 septembre 2019, selon le site « Maghreb confidentiel ».
L’Etat tunisien détient la BFT à travers la Société tunisienne de banque (STB) et la BH Bank.
30 ans de conflits
Le CIRDI a estimé que l’Etat tunisien est responsable dans cette affaire qui traîne depuis près de 30 ans. Il lui reproche d’avoir exproprié l’investissement d’ABCI Investments Limited, organisé un déni de justice et violé le droit de l’actionnaire majoritaire de la BFT, à gérer sa propriété, et, ce faisant fi du droit tunisien et du droit international.
Pendant 30 ans de conflits, alors que l’ABCI poursuit l’État tunisien pour spoliation, la BFT a été gérée par l’État. Elle a été menée à une quasi faillite en raison initialement des pratiques de l’ancien régime de Ben Ali et de ses proches.
Ce dossier n’a pas non plus été bien géré et pris au sérieux par les gouvernements successifs depuis la révolution en raison de conflits d’intérêts et d’implication de plusieurs responsables et hauts fonctionnaires de l’Etat, dans cette affaire.
Répercussions sur l’économie tunisienne
Les autorités tunisiennes sont appelées à trouver une issue à cette affaire qui perdure et qui aura de grands impacts sur l’économie tunisienne et sur l’image du pays sur la scène internationale, selon plusieurs experts et économistes.
Aussi, le FMI avait évoqué l’affaire de la BFT, depuis juillet 2016, et a implicitement évalué ses répercussions sur l’économie tunisienne et sur le budget de l’Etat.
En effet, il ressort des conclusions préliminaires d’une mission du FMI à Tunis effectuée, du 12 au 19 juillet 2016 que « des coûts budgétaires additionnels de 3,5 % du PIB en 2017, non prévus dans le cadre du programme, provenant principalement de la masse salariale, du déficit des caisses de sécurité sociale (en l’absence de réformes), et de la résolution envisagée par les autorités de la BFT, rendent impératif la mise en œuvre des réformes, afin de maintenir la stabilité macroéconomique et promouvoir une croissance plus inclusive ».
La responsabilité de l’Etat tunisien dans l’affaire de la BFT avait été reconnue en 2017, et les demandes de révision ont toutes, été rejetées. L’Etat tunisien a par ailleurs, refusé à plusieurs reprises la proposition d’ABCI pour un arrangement à l’amiable.
Notons que la Tunisian Foreign Bank (TFBank) est une banque de droit français affiliée à la Fédération Bancaire Française.