L’exclusion du marché du travail en Tunisie demeure une réalité tangible. Pour cerner ce phénomène, l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE) a organisé un séminaire pour débattre de la question. Malgré les regards croisés sur le phénomène, tous les intervenants ont affirmé la nécessité de se mobiliser pour réduire l’ampleur du phénomène.
C’est dans le cadre de la deuxième édition du Forum de l’Emploi sous le thème « l’exclusion sociale, une barrière à l’entrée au marché du travail » que l’IACE a disséqué ce problème à travers différents éclairages. Rappel théorique : le Programme des Nations unies pour le développement définit l’exclusion sociale comme « Absence d’intégration sociale par le travail, l’école, la famille, la sphère communautaire, etc., d’où marginalité et vulnérabilité psychologique et sociale ».
D’ailleurs, le taux de chômage en Tunisie en dit long sur ce phénomène. Le taux de chômage est de 12,3% chez les hommes et de 22,4% chez les femmes. Quant aux jeunes, le taux de chômage s’élève à 34,4% (34,2% chez les hommes et 34,5% chez les femmes). De ce fait, le nombre de chômeurs a atteint 634.900 du total de la population active, contre 637.700 chômeurs au 1er trimestre 2019.
Voici pourquoi un Think Tank économique se soucie d’un sujet social.
Majdi Hassen, conseiller exécutif à l’IACE, a affirmé lors de son intervention qu’il ne s’agit pas de la première fois où l’IACE traite un sujet social. En effet, il a rappelé qu’il a travaillé sur le chômage des jeunes et l’accès au marché de l’emploi pour les handicapés. Pour lui, il est intéressant de travailler sur les personnes dont l’intégration est difficile dans le marché de l’emploi. Si l’IACE aborde ce sujet, c’est qu’il considère qu’il existe une instabilité politique et sociale défavorable à l’investissement, affirme-t-il.
Le secteur privé a un rôle social à jouer dans ce contexte en partenariat avec tous les intervenants pour résoudre ce problème. Ainsi, à travers des études sur terrain, l’IACE a constaté que l’exclusion sociale demeure un handicap majeur pour l’accès au marché du travail. A la afin de son intervention, il a avancé que les statistique affirment bel et bien que l’exclusion sociale a contribué aux résultats du premier tour de la présidentielle.
Quand la ségrégation commence à partir de l’année du Bac
De son côté Amira Guermazi, conseillère auprès du ministère de l’Enseignement Supérieur, est revenu sur cette problématique à partir du système de l’enseignement supérieur. Pour elle, l’exclusion n’épargne pas l’accès à la formation pour les jeunes. L’intervenante explique que plusieurs jeunes se voient privés d’entamer des formations de leur choix à cause du score obtenu au Bac.
Le système de scoring vise à assurer une certaine équité. Mais « la question qui se pose est-ce que tous les bacheliers bénéficient des mêmes conditions favorables afin de réaliser un score important ? », s’interroge-t-elle. A cette question, elle répond par la négative car « les élèves vivant dans les régions défavorisée ne bénéficient guère des même conditions des élèves vivant dans les régions favorisées ». Il s’agit du constat du ministère de l’Enseignement supérieur d’après l’intervenante. La conseillère a déclaré que depuis des décennies la stratégie du ministère était de dupliquer les filières universitaires. Créer les mêmes filières dans tous les gouvernorats est une façon d’assurer l’équité entre les futurs étudiants. Cependant, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Car les bacheliers vivant dans les régions de l’intérieur choisissent les filières qui existent dans les grandes villes. Pourtant ces même filières existent bel et bien dans leurs gouvernorats.
L’intervenante a fait savoir que les bacheliers des régions défavorisées cherchent une vie para-universitaire dynamique. Elle a souligné l’importance de l’implémentation des établissements universitaires selon le potentiel de chaque région. « Il n’y pas eu d’ancrage de formation selon les spécificités économique des régions », lance-t-elle.
Quand le territoire condamne les jeunes à l’exclusion
De son côté, Jihed Hadj Salem, enseignant- chercheur en sociologie, a dressé un état des lieux sociologique sur le problème. Lors de son intervention, il a affirmé que l’exclusion sociale a un ancrage territorial et le cas de la Cité Etthadamen est l’un des exemples. Pour lui, l’espace dans lequel l’individu évolue a un grand rôle à jouer dans les inégalités sociales, dans la reproduction des chances sociales et des inégalités sociales, fait-il remarquer. Ce phénomène s’explique, entre autres, par une notion sociologique, à savoir le capital social.
Dans une zone comme la Cité Ettadhamen, la vie sociale et les liens sociaux tissés par les jeunes se limitent uniquement à leurs quartiers. De ce fait, un jeune de ce quartier ne s’implique pas dans la vie associative, ce qui pourrait l’aider à trouver un emploi ou lui créer un réseau loin de sa communauté. Ainsi, l’intervenant a souligné l’importance du capital social dans le développement du réseau. Il appelle également à ce que la société civile intervient sur ce volet.
Miser sur la qualité au lieu de miser sur les chiffres
Le directeur général de l’ANETI, Youssef Fennira considère que l’exclusion sociale touche toute la Tunisie. La preuve est que même l’arrière pays de plusieurs grandes villes est marqué par le sceaux de l’exclusion sociale. Tous les facteurs exogènes de l’exclusion sociale atterrissent dans le bureau de l’emploi selon lui. L’origine de l’exclusion est la politique de l’Etat qui depuis plusieurs années à savoir axé les politique sur des objectifs quantitatifs. « Les objectifs de tous les établissement sont chiffré. Et quand on pense aux chiffres, on ne pense plus aux personnes » lance-t-il.
Par ailleurs, il a appelé au respect de l’Etat et de ses instituions et de faire de l’autocritique. Il rappelle que suite à l’organisation des formations dans les bureau d’emploi, il n’existe aucun suivi sur le taux de réussite des entrepreneurs.