La liberté de la presse serait-elle en recul ? Les exemples ne manquent pas. Depuis quelques temps, les journalistes de la chaîne El Hiwar sont devenus la cible d’attaque et de discours haineux.
Autrement dit, la liberté de la presse se retrouve entre le marteau et l’enclume. Énième fait: des sympathisants de Kaïs Saïed ont agressé physiquement, dans la soirée du dimanche 13 octobre 2019, deux journalistes de la chaîne El Hiwar Ettounsi. Ces derniers suivaient les festivités organisées à l’avenue Habib Bourguiba, à l’occasion de la victoire du nouveau président de la République.
Mais ce qui est le plus inquiétant, c’est l’absence des autorités médiatiques pour défendre les principes de la liberté de la presse et les droits des journalistes.
Bassel Torjeman, analyste politique et journaliste, souligne que toute agression à l’encontre d’un journaliste est une agression contre tous les journalistes. Il précise que les journalistes ont joué un rôle important dans la réussite du processus de transition démocratique. Et aussi pour avoir défendu les intérêts du pays.
Il revient sur ce qui s’est passé quant aux attaques contre les institutions des médias. Selon lui, de tels agissements ont pour objectif de créer un climat de terreur et de peur. Même si les soi-disant « révolutionnaires ont profité de certaines positions de quelques journalistes qui étaient en conformité avec leurs discours ».
Il ajoute: « C’est au Snjt de porter plainte et d’entamer les procédures contre toute menace à l’encontre des journalistes. A mon avis, il faut qu’il y ait une position claire et ferme. En d’autres termes, dire stop aux agressions à l’encontre des journalistes. »
Et de poursuivre: « Est-ce la faute aux médias que la corruption a augmenté en Tunisie ? Est-ce aussi la faute aux médias que la Compagnie des Phosphates de Gafsa est en faillite? La réponse est non. Il faut dire stop à la chasse aux journalistes. »
Les discours hystériques des révolutionnaires imposent leur dictature
Selon lui, il faut rappeler ce qui s’est passé avec Lotfi Naguedh ou l’assassinat de Chokri Belaïd. « C’est ce genre de discours de haine qui ont conduit à leur mort », dit-il.
De plus, « les discours hystériques des prétendus révolutionnaires ne feront qu’imposer leur dictature », continue-t-il.
De son côté Sayda Hammami, journaliste et ancienne syndicaliste, relève elle aussi que tout type de violence à l’encontre des journalistes est une ligne rouge à ne pas franchir.
Tout comme elle rappelle qu’après toute échéance électorale, les discours de haine augmentent. Mais le surprenant d’après elle, c’est que certains journalistes ont pris position. Elle précise dans ce contexte: « Indépendamment des chroniqueurs, qui à mon sens, n’ont pas respecté la déontologie journalistique, on peut ne pas être d’accord avec eux. Mais cela n’empêche qu’ils n’ont jamais lancé de discours de haine ou de violence. Je pense que la HAICA et le SNJT n’ont pas travaillé dans un sens à défendre efficacement les intérêts des journalistes. »
Sans médias libres, nous ne sommes rien
Par ailleurs, Ahlem Hachicha Chaker, analyste politique, souligne que « Sans médias libres, nous ne sommes rien. Le journalisme est le seul métier sacré au monde. La liberté d’expression est totale, absolue, inconditionnelle, illimitée, irrationnelle et insolente. »
Elle ajoute: « Hommage et soutien à nos médias qui nous renvoient à nous-mêmes, à notre reflet. Ils nous critiquent, nous dévoilent, nous défient, nous obligent à nous remettre en question, nous transcendent et qui sont nos consciences. Nous, les politiques plus que les autres. Seuls ceux qui ont des choses à cacher, qui ont honte d’eux-mêmes, qui ne peuvent se regarder en face, ont peur des médias. »
Elle conclut: « La campagne contre El Hiwar et son équipe est inacceptable. Solidarité avec Myriam Belkadhi et tout son plateau. Les médias sont le reflet de la société. C’est un rôle d’utilité publique qui suppose quelques notions de base: les médias doivent être notre conscience et nous devons les protéger dans l’exercice de cette liberté qu’ils exercent en notre nom. »