Du Liban au Chili, des manifestations populaires en appellent à la dignité et fustigent la classe sociale. Celle-ci est provoquée par l’application des principes néolibéraux : austérité budgétaire, recul des services publics, etc. Serions-nous face à une révolte mondiale contre la globalisation néolibérale?
En effet, dans un contexte de globalisation néolibérale, les traditionnelles boussoles idéologiques sont inopérantes. Les révoltes populaires correspondent aujourd’hui à un appel à la dignité et à l’égalité.
Ainsi, au Chili, l’augmentation brutale du prix du métro provoque une mobilisation sans précédent. Au Liban, le projet d’une taxe sur le réseau « WhatsApp » est le catalyseur d’un mouvement anti-système historique. En Équateur, la hausse du prix des carburants génère une puissante réaction populaire, etc.
Outre les spécificités nationales propres à chacune de ces situations, ces révoltes montrent combien la globalisation néolibérale s’accompagne de crises multidimensionnelles, aux racines profondément ancrées dans la société (inter)nationale.
Nouvelles lignes de fractures sociales
Car, l’effacement des frontières, la décomposition des territoires, l’effondrement des repères idéologiques traditionnels et la marchandisation du monde entraînent la création de nouvelles lignes de fractures sociales et culturelles. Celles-ci ébranlent les cohésions nationales.
Or, le néolibéralisme est souvent difficile à identifier et à définir. Il désigne malgré tout des thèses économiques qui ont inspiré les organisations internationales économiques et financières (FMI, Banque mondiale). Mais aussi des politiques économiques nationales. Ces politiques et ces thèses sont motivées par la dérégulation des marchés. De même que par la réduction du rôle de l’État, les dépenses publiques et de la fiscalité (en particulier au bénéfice des entreprises), la privatisation des entreprises publiques… Pour quel résultat?
Puisque la globalisation néolibérale s’accompagne d’un accroissement des inégalités. L’importance du niveau des inégalités s’explique alors par l’évolution progressive de la structure des revenus.
D’ailleurs, initialement fondé sur le travail, le niveau de revenu s’explique, de plus en plus, par le patrimoine. Or, ce dernier est encore plus inégalement réparti que le travail.
Parallèlement, les travaux de l’économiste Thomas Piketty montrent que les revenus du capital progressent plus vite que celui du travail. Ainsi, nous sommes dans une société où un nombre réduit de personnes détient une grande partie du capital mondial. Et il voit ses revenus progresser plus rapidement que le reste de la population…
Effets pervers des inégalités sur la société
Au-delà du caractère injuste d’une telle situation, sur laquelle chacun est libre de se positionner, la littérature économique s’est attachée à montrer les effets pervers des inégalités sur la société. En créant de la frustration entre les individus, les inégalités engendrent de l’instabilité politique.
De plus, il existe une relation positive entre inégalité et niveau de criminalité. Quelques semaines après la COP21, il est également bon de rappeler que les inégalités entraînent une augmentation des émissions de polluants dans l’atmosphère.
Enfin, deux articles récemment publiés par les (libérales) organisations OCDE et FMI démontrent que les inégalités ont été un frein à la croissance au cours des trente dernières années.
Outre les réactions qu’elle suscite, la globalisation inégalitaire trahit aussi un « vide ». L’incapacité à proposer une offre politique alternative au néolibéralisme met en lumière une crise profonde de la pensée et de la spiritualité.
Par conséquent, la globalisation économique nourrit des sociétés matérialistes et consuméristes. Elles sont productrices d’angoisse existentielle individuelle et collective qui interroge la place de l’Etat.
Alors que l’Etat est à la fois omniprésent et impuissant dans un monde globalisé. Une représentation brouillée qui pose la question de son efficacité, voire de son dépassement. Il y a un doute existentiel sur la puissance de l’Etat (français) dans le nouvel ordre mondial. Ce doute concerne aussi sa capacité à imposer son autorité dans une société traversée par un fort sentiment de défiance. Des acteurs transnationaux et/ou supranationaux concurrencent le pouvoir normatif et régulateur de l’Etat.