Ahmed Driss, président du Centre d’études méditerranéennes et internationales et professeur de relations internationales à l’Université de Tunis El Manar dresse un état des lieux du paysage politique. Interview:
-Leconomistemaghrébin.com: Comment évaluez-vous la société civile aujourd’hui?
Ahmed Driss: En ce qui concerne la société civile, elle est assez présente et à la fois hétérogène dans les domaines très variés mais je dirais qu’elle est assez dynamique. D’ailleurs, elle joue bien son rôle. Celui d’être vigilante.
-Vous dites qu’elle est dynamique alors qu’elle donne l’impression d’être épuisée, voire quasi absente. Qu’en pensez-vous?
Comme la société civile est très hétérogène et très variée, il se peut que seuls quelques acteurs soient visibles. Alors que les autres ne le sont pas. Du coup, je dirais que la société civile est très active sur le plan régional, notamment dans la mise en oeuvre de la décentralisation. Ou encore dans la mise en place de la démocratie participative.
En revanche, sur le plan national, ce sont les plus lisibles qui interviennent dans le domaine de la citoyenneté. A mon avis, il faut prendre en considération que ce segment de la société civile existe et maintient parfaitement son équilibre.
-On ignore si la société civile aura son poids au sein du paysage politique dans les mois à venir, êtes-vous de cet avis?
Il est clair que les derniers mois, on a vu l’impact de la société civile et le rôle qu’elle a joué. Je pense que durant les étapes à venir, elle sera présente et jouera une fois de plus son rôle de vigilante.
-Sur le plan politique, avec un prochain Parlement, croyez-vous que la Cour constitutionnelle verra le jour?
Je crois que le blocage demeurera sauf s’il y a une très forte volonté de tout le début du mandat législatif avec tous les acteurs. Ils feront leur possible de se débarrasser de ce fardeau sur la conscience durant tout le mandat. Cela dit, j’ai mes réserves. Si les mêmes causes, à savoir les mêmes calculs politiques continueront à gouverner. Cela veut dire que pendant le prochain mandat il n’y aura pas non plus de Cour Constitutionnelle.
-Au prochain Parlement, verra-t-on renaître la classe progressiste et celle de la gauche ?
Si on parle des perdants, il faut dépasser la frustration autour d’une idée ou d’un projet. Si les partis existent parce qu’ils sont là tout simplement, ils disparaîtront. Et d’après l’expérience, on remarque beaucoup de clientélisme et très peu d’engagement politique basé sur les convictions. Et il faut transformer l’échec en réussite. vous savez que la réussite est coûteuse. Pour la simple raison que les partis qui ont gagné, leurs militants s’attendent à quelques chose. Et pour les perdants, ils n’ont plus les moyens d’être récompensés. Et c’est cette frustration qui est dangereuse pour la scène politique tunisienne. Du coup, vous avez une scène non structurée.
-Peut-on parler d’opportunisme?
Il y a ceux qu’on appelle les partis à faible potentiel, centrés sur l’idéologie. En clair, les partis idéologiques souffriront moins mais cela va être difficile pour eux à la fin du prochain mandat.
Alors que la mouvance de la gauche a montré certaines limites dans sa tentative de gagner à sa cause l’électorat. Ce qui a laissé la place aux populistes.
-Comment peut-on expliquer l’ascension de Kaïs Saïed?
Le leitmotiv de Kais Saïed qui énonce que le peuple devra décider par lui-même est très simple à diffuser. Et ça a marché, mais on verra où ça mènera. Cela dit, j’ai des réserves : comment peut-on résoudre les problèmes existants sans proposer de solutions concrètes. Et il est très difficile d’imaginer demain si on n’a pas jusque-là un programme réalisable à court terme. De même pour le futur gouvernement.