Le profil de Habib Jemli a été bien réfléchi ? Ne colle-t-il pas –malgré tout- à Ennahdha ? Est-il par ses fonctions passées en capacité pour dominer la machine coriace du gouvernement ? Saura-t-il, par ailleurs, fédérer un paysage émietté ? Et au-delà de tout, aura-t-il la confiance de l’opinion ?
Et la question lancinante qui est sur toutes les lèvres et dans toutes les têtes : quelles sont les chances de Habib Jemli de réussir le pari de pouvoir constituer un gouvernement ? L’homme a, on le sait, un mois pour le faire. Un mois que le chef de l’Etat qui l’a nommé, le 17 novembre 2019, pourrait lui renouveler.
Evidemment les Cassandres sont nombreux aujourd’hui face à une adversité qui a commencé à se faire sentir dès la rentrée parlementaire et qui peut donner à penser que Habib Jemli aura une mission on ne peut plus dure. D’autant plus que les accords conclus en vue de l’élection du président de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) peuvent être à tout moment revus et corrigés.
Placer le choix sur un candidat plus « neutre » ?
Ennahdha elle-même, dont Jemli est le candidat, a voulu séparer les deux processus : celui de l’élection du président de l’ARP et celui de la constitution du gouvernement. Ce qui revient à dire que les ententes passées, le 13 novembre 2019, au Palais du Bardo, ne vont peut-être pas être les mêmes concernant la formation du gouvernement.
Et pour revenir à la constitution de ce dernier, il est sans doute utile de se demander si le choix d’Habib Jemli a été le bon. L’homme peut-il fédérer ? La question mérite d’autant plus d’être posée qu’il sera considéré somme toute comme un homme d’Ennahdha. Les seules fonctions assumées n’ont-elles pas été que du temps où la Troïka dirigeait le pays ?
Certes, le mouvement Ennahdha est venu en tête du choix des Tunisiens pour les législatives et est en droit de placer son homme à la tête du gouvernement. Mais, ne fallait-il pas, étant donné l’émiettement de la représentation à l’ARP, placer son choix sur un candidat plus « neutre »?
Habib Jemli a-t-il, par ailleurs, le profil exigé ? Il connaît sans doute les arcanes du gouvernement pour avoir été deux fois secrétaire d’Etat. Le choix d’un chef de gouvernement ayant occupé des fonctions plus importantes, comme celle de ministre, aurait-il été du reste plus idoine ?
Des prérogatives plus limitées que celle d’un ministre!
Son profil lui-permet-il, comparé à d’autres haut fonctionnaires ayant roulé mieux que lui leur bosse, d’être au niveau des défis ? La machine de l’Etat est coriace. Un secrétaire d’Etat n’a, quoi qu’en soit son expérience, des prérogatives plus limitées que celles d’un ministre, ce qui ne préjuge en rien de ses capacités et des ses qualités professionnelles et humaines.
Il n’empêche! Saura-t-il engager un tournant ? Ce dont a besoin le pays. Des aspects qui seront pris en compte par les mouvements et partis avec lesquels il discutera la composition du gouvernement. Gageons que ses interlocuteurs sauront très vite, pour ainsi dire, s’il fait l’affaire.
Il aura pour tâche s’il est adopté de mobiliser les énergies des uns et des autres. On le saura du reste lorsqu’il s’agira de choisir ses ministres. Et lorsque viendra le temps d’aller devant l’ARP pour gagner la confiance des députés.
Inutile de préciser qu’un « petit » vote exprimera une « petite » confiance qui pourrait lui jouer un mauvais tour à l’avenir. Comprenons que l’attelage qu’il aura réussi à mettre en place sera fragile.
Son attelage, même s’il obtient la confiance de l’ARP, devra être adopté, en outre, par l’opinion. Et c’est sans doute là le plus important. Dans la mesure où rien de bien ne pourra venir sans une mobilisation de l’opinion qui devra être convaincue qu’Habib Jemli est capable de mettre le pays sur la bonne voie.
Les questions ne manquent pas. Et on sera édifié dans quelques jours.