La visibilité de la situation économique est parfaite après la publication des projets de la Loi de Finances complémentaires de 2019 et de la Loi de Finances 2020, du communiqué de la BCT, des chiffres de l’INS relatifs au commerce extérieur, au taux de chômage et à la croissance économique .
Il suffit de croiser toutes ces données de l’économie tunisienne pour constater que la mission du prochain gouvernement sera dure.
Une croissance paralysée
Avec une hausse du PIB de 1% en rythme annuel et 0,2% en rythme séquentiel, le troisième trimestre était une vraie déception. Il a coïncidé avec l’apogée de la saison touristique. Le secteur a d’ailleurs signé la meilleure hausse en termes de valeur ajoutée (+7,6%) par rapport à 2018. Trois autres activités ont sauvé la mise : les services financiers (+4,9%), l’agriculture grâce à l’excellente récolte céréalière (+3,1%) et les services de télécommunication (+2,4%).
Le problème est que la baisse du régime a touché de nouvelles clés de l’économie, à commencer par les exportations. Sur les dix premiers mois de l’année, les exportations à prix constants ont baissé de 3,8%. Hors agriculture, activité affectée par les exportations de l’huile d’olive dès le début de l’année, les baisses ont concerné deux secteurs clés : les Industries mécaniques et électriques (-2,4%) et le Textile, Habillement et Cuir (-4,6%). Cela est reflété dans la croissance du PIB avec des baisses respectives de la valeur ajoutée de ces deux industries de 2,3% et de 3,7% sur le troisième trimestre. Globalement, les industries manufacturières ont reculé de 1,6% en rythme annuel et de 1,1% en rythme séquentiel.
La demande fléchit
Les importations de l’énergie continuent également à peser. A prix constants, elles ont progressé de 3,1% (23,7% à prix courant). Principale cause : une production nationale en berne, avec une valeur ajoutée en déclin de 6,8% pour le pétrole et le gaz. Avec la chute des exportations de 18,7% à prix constants et de 13,8% à prix courant, les finances de l’Etat ont été prises par un effet ciseaux.
Dans l’ensemble, les importations ont reculé, traduisant le déclin de la consommation et de la demande de nos industriels. Les Industries mécaniques et électriques (-11,3%) et le Textile, Habillement et Cuir (-7,8%) ont, encore une fois, enregistré les plus grandes baisses (à prix constants). Ces chiffres sont relatifs aux dix premiers mois de l’année, ce qui annonce déjà un quatrième trimestre déjà sur la sellette.
Ce tableau ne donne qu’un marché d’emploi en panne. L’économie n’a pu créer (en net) que 19 400 postes en 9 mois, avec l’existence de 262 700 chômeurs diplômés.
La BCT avait déjà anticipé
Tous ces chiffres ont été précédés par la réunion du Gouverneur de la BCT avec les banquiers. Plus que jamais, les établissements de crédit jouent un rôle crucial. Le marché financier peine toujours à se faire une place. C’est pourquoi les banques doivent voler au secours des PME aussi bien au niveau du financement de l’exploitation que des opérations de restructuration. Ces entités représentent la colonne vertébrale de l’économie. Elles souffrent du contexte que nous venons de décrire. Si elles disparaissent, elles vont altérer la stabilité bancaire à court terme.
C’est pourquoi la BCT a insisté sur le fait que le crédit doit s’orienter principalement vers les secteurs productifs. Le défi serait de trouver une couverture adéquate des risques de liquidité et de crédit. Le régulateur est allé plus loin. Il a appelé les banques à « repenser leur politique d’intervention, leur positionnement voir même leur modèle économique ».
Encore une fois, la BCT prend les devants. Elle semble anticiper des moments critiques pour l’industrie financière et donc toute l’économie.
(A suivre)