Le contrat programme, y compris son volet économique, que le parti Ennahdha a présenté, servirait de base à l’action du prochain gouvernement.
Et en regardant de plus près le volet économique de ce programme, les choses nous semblent davantage compliquées pour le prochain gouvernement et le pays. En effet, certaines décisions sont inflationnistes et ont de lourdes conséquences sociales.
Cependant, objectivement, ce que propose le premier parti en Tunisie contient un très grand nombre de points demandés par les techniciens. Et ce, afin de sortir de la situation économique actuelle.
Une ordonnance complète
Parmi les points positifs, une ligne de financement d’un milliard de dinars. Elle se dédie à la mise à niveau des PME et l’acquisition de nouvelles technologies auprès des startup. Mais sans indiquer la source de tout ce trésor de guerre. Il y aussi l’intention de renforcer la solidité du secteur financier, d’améliorer sa liquidité. Mais aussi d’encourager les banques à fusionner et d’orienter les financements vers les secteurs stratégiques. De plus, une amnistie de change devrait davantage améliorer le climat des affaires et la simplification des procédures fiscales.
Tout cela est bien beau. Néanmoins, quelques propositions dont la finalité est bonne pourraient avoir des conséquences problématiques. Nous en retenons principalement deux. A savoir: un meilleur ciblage des subventions via des virements au profit des catégories sociales les plus vulnérables; et le changement des billets de monnaie dans le cadre d’une stratégie de decashing.
Effets positifs, mais à (très) long terme
Car, ces mesures concernent deux dossiers prioritaires du prochain quinquennat. Les actions du gouvernement seraient suivies à la loupe avec des retombées politiques pour les partis concernés.
Pour la première, et même si le programme économique ne précise pas si les subventions seront levées en contrepartie des virements (ce qui est rationnel), rien ne garantit que ces montants virés seront dépensés dans les matières subventionnées de première nécessité. Une grande partie sera utilisée ailleurs, ce qui aura un double effet: un appauvrissement effectif de la population et une surchauffe sociale inévitable. Même si cette recette a fonctionné dans d’autres pays, le cas tunisien est compliqué et devrait tenir compte des aspects sociaux de la question.
En ce qui concerne la seconde mesure, l’expérience indienne doit être examinée avec profondeur. D’ailleurs, le Gouverneur actuel de la BCT l’a mentionné dès le premier jour à l’ARP lorsque la question a été posée par un député. L’Inde a démonétisé les principaux billets de banque en circulation en 2016, et les conséquences sont désastreuses. La Reserve Bank of India voulait lutter contre les mafias, le terrorisme et la corruption, mais elle a reconnu après que c’était un échec. Le cash règne toujours et la décision a coûté au pays 1% de son PIB.
Ces deux mesures ont certainement des effets positifs à long terme. Mais dans un horizon court et moyen, les retombées vont causer d’énormes soucis.
La population ne veut plus d’œufs cassés, mais exige des omelettes
Ce qui est sûr, c’est que la résolution de nos problèmes économiques exige des sacrifices. Nous allons tous payer cher le prix du retard dans la prise des décisions de réforme. Mais avec cette vague d’optimisme qui envahit les Tunisiens, dont plusieurs portent de fausses idées sur les richesses du pays, des vagues contestations accompagneront toute mesure corrective.
D’autre part, la BCT ne lâchera pas sa position actuelle et surveillera de près l’inflation. N’oublions pas que les revalorisations salariales qui entreront en vigueur dès le mois de janvier et les possibles hausse de carburants auront un effet inflationniste immédiat. Nous continuons à exclure toute baisse du taux directeur à court terme car le cadre reste fragile.
Le contexte d’octroi de crédits bancaires restera tendu, ce qui risque de freiner toute reprise. D’ailleurs, la colonne vertébrale de la croissance économique de 2020 est l’entrée en exploitation du champ Nawara qui devrait assurer, à lui seul, 1% du PIB.
Cela donne vraiment envie!