La désignation d’Elyes Fakhfakh pour le poste de chef du gouvernement a fait réagir plus d’un. Entre les « pour » et les « contre », chacun y va de son commentaire, parfois objectif, souvent subjectif. Mme Limam apporte son éclairage.
Le gouvernement que proposera Elyes Fakhfakh obtiendra-t-il la confiance du Parlement? Jinan Limam, enseignante universitaire à la Faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, dresse à ce propos un état des lieux. Interview.
Au cas où les députés n’accorderaient pas le vote de confiance au gouvernement Fakhfakh, que prévoit la Constitution à ce stade?
Jinan Limam: Depuis la proclamation des résultats définitifs des élections législatives, le 8 novembre 2019, et le déclenchement de la procédure de désignation du chef du gouvernement, nous avons expérimenté les deux scénarios prévus dans l’article 89 de la Constitution.
Ainsi, l’alinéa 2 évoque le premier scénario. Celui où le président de la République charge le candidat du parti politique ou la coalition ayant obtenu le plus grand nombre de sièges au sein de l’ARP de former le gouvernement. Et ce, dans un délai de deux mois au maximum. Ce scénario s’est soldé par un camouflet après l’échec du gouvernement de M. Jemli à obtenir le vote de confiance du Parlement.
Par conséquent, on est passé au second scénario prévu par les alinéas 3 et 4 de l’article 89. Avec la désignation de Elyes Fakhfakh, considéré comme étant la personnalité la plus apte à occuper le poste de chef du gouvernement. Le Chef du gouvernement désigné dispose alors d’un mois au maximum pour former son gouvernement. Lequel gouvernement sera soumis au test du vote de confiance des députés à l’ARP. En cas de rejet par le Parlement, le Président de la République peut dissoudre l’Assemblée des représentants du peuple. Et convoquer de nouvelles élections législatives. Elles doivent respecter les délais de quarante-cinq jours au plus tôt et de quatre-vingt-dix jours au plus tard.
Jinan Limam: « L’article 89 alinéa 4 ne prévoit pas explicitement la dissolution du Parlement »
Mais il est intéressant de noter que l’article 89 alinéa 4 ne prévoit pas explicitement la dissolution du Parlement comme conséquence immédiate et mécanique du vote négatif. Au contraire, il octroie au Président de la République une marge de manœuvre. Pour éventuellement faire une dernière tentative et solliciter un autre vote de confiance. A condition que cela n’ait pas lieu au-delà du délai de quatre mois évoqué par la Constitution à compter de la première désignation.
De ce fait, par le biais de ce mécanisme de dissolution, la Constitution dote le Président de la République d’un véritable pouvoir de dissuasion et éventuellement de sanction à l’égard du Parlement. Et ce, dans le but de débloquer une crise politique grave. Il puise ce pouvoir de sa légitimité électorale. Et en tant que chef de l’État, symbole de son unité et garant de sa continuité.